14 février 2025
Accord Arizona : des mesures insatisfaisantes pour une agriculture juste et durable
Lire la suite8 octobre 2017
SOS Faim a interrogé quatre acteurs de terrain sur leur lutte paysanne respective. Retrouvez le témoignage de quatre acteurs de terrain sur les combats personnel et professionnel qu’ils mènent au quotidien.
Danny Singoma, Directeur du CENADEP (organisation d’appui aux organisations paysannes
République Démocratique du Congo
« Notre combat consiste à donner aux paysans la capacité de faire reconnaître leur place dans la société. Nous revendiquons la mise en place de lois appropriées qui leur permettent de vivre effectivement de leur métier.
Le CENADEP a beaucoup travaillé à la structuration du mouvement paysan. Notre rôle consiste à sensibiliser les populations rurales et péri-urbaines à s’organiser en associations pour défendre leurs intérêts.
Nous sommes à l’initiative d’une grande réunion des différents réseaux d’organisations paysannes de tout le pays. Le but était que ces organisations s’unissent pour parler d’une seule voix et adresser leurs revendications directement à l’État. Cette mobilisation a abouti à l’obtention d’un code agricole, ce qui n’existait pas auparavant en RDC.
Un autre projet du CENADEP, d’ordre plus symbolique, concerne les dons alimentaires annuels du gouvernement. Avec les organisations paysannes, nous voulons mener un plaidoyer pour que ces dons soient constitués de produits locaux plutôt que de produits importés. »
Daniel Hick, Vice-président de FAIREBEL (FAIREBEL est membre de l’Assemblée générale de SOS Faim depuis 2017)
Belgique
« Notre ambition, avec le label FAIREBEL, c’est de permettre aux producteurs de lait de vivre de leur production en les rémunérant à un prix juste.
Trop souvent, les marques ne prennent pas en compte la globalité des coûts de production des agriculteurs quand ils décident de leurs prix. FAIREBEL, et son cousin français FAIREFRANCE, sont des labels équitables créés afin de garantir une rémunération décente à tous les acteurs de la chaîne.
Pour fixer nos prix, il est important de prendre en considération les vrais coûts de production et non des chiffres bradés qui ne tiennent pas compte de l’ensemble des charges. Une étude réalisée par un bureau indépendant estime les coûts moyens de production en Europe à 0,45€ du litre de lait. C’est 0,14€ de plus en moyenne que les autres marques.
Nos labels FAIREBEL et FAIREFRANCE ont tous les deux été créés par les producteurs eux-mêmes. Ils ont donc un ADN agricole pur. La création de ces labels, c’est notre moyen de nous prendre en main et de ne rien lâcher face au privé ! »
Dorvalina Malaquias, Membre du Mouvement des Sans-Terre et de APROSPERA (association d’agriculteurs en agroécologie)
Brésil
« J’ai mené une longue bataille aux côtés du Mouvement des Sans-Terre (MST) pour obtenir un terrain à cultiver.
Au bout de 10 ans de lutte, mon mari et moi avons pu occuper une terre qui allait être cédée au MST.
Ensuite nous avons réussi à obtenir une concession d’usage du gouvernement. C’est mon plus grand succès car nous avons réellement conquis notre terre.
Pour y arriver, nous avons passé 10 ans dans les camps du MST à participer aux actions de pression sur le gouvernement : on a bloqué des routes, fait des manifestations, des marches. C’était notre moyen de réclamer nos terres, nous voulions que la réforme agraire de redistribution aux paysans soit appliquée. Les conditions de vie dans les camps MST étaient très dures, je logeais sous une bâche noire, nous n’avions quasiment pas d’eau et il est arrivé que la police vienne nous expulser.
Aujourd’hui, je possède un terrain de 7 hectares grâce auquel je subviens aux besoins de ma famille. Nous avons aussi créé une association d’agriculteurs en agroécologie, APROSPERA.
Actuellement, mon principal combat, c’est de construire une belle maison pour ma famille. »
Soumana Kanta, Coordinateur technique de la CNOP (Coordination Nationale des Organisations Paysannes)
Mali
« Le gouvernement malien est en train de mettre en oeuvre la loi foncière agricole. La CNOP se bat pour qu’elle ne reflète pas uniquement les préoccupations des partenaires techniques et financiers, mais qu’elle prenne en compte les luttes du monde paysan. Nous travaillons par étape.
D’abord, nous avons analysé le projet de loi pour aboutir à des recommandations afin que les préoccupations paysannes soient intégrées dans la loi foncière agricole. Ensuite nous avons dû lutter pour faire partie du processus d’écriture de la loi et pour que nos revendications paysannes soient entendues par le groupe d’experts travaillant sur la loi, puis par l’Assemblée nationale. Nous avons développé un argumentaire par rapport à chaque revendication.
Cela a été un succès car nous avons réellement pu participer à l’écriture des documents et nos revendications ont été finalement perçues comme légitimes et fondées.
Nos revendications portaient sur les lois qui régulent l’accès à la terre en milieu rural et la sécurisation des exploitations familiales agricoles
Maintenant, nous devons être très vigilants parce que l’élaboration des documents est une chose, l’application en est une autre. Les conditions de vie des populations locales ne seront améliorées que si on applique à la lettre la loi agricole. Nous devons donc attirer l’attention de l’État au moindre dérapage. Nous avons un rôle de vigilance à jouer. »
Rédaction : Hannah Bernard, stagiaire
Cet article est tiré du Supporterres n°1 d’Octobre 2017 : « Luttes paysannes ». Pour en savoir plus sur ces luttes, n’hésitez pas à consulter le numéro complet.