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2 décembre 2025

Des coûts cachés pour notre santé ? mieux vaut prévenir que guérir

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Face à l’inflation des dernières années, un nombre croissant de consommateurs et de consommatrices se rabattent sur les produits les moins chers. Or, lorsqu’on passe à la caisse, les produits bio ou issus de l’agroécologie reviennent en moyenne plus chers que les produits industriels. Mais n’est-ce pas là une impression trompeuse ? Car en réalité, notre modèle alimentaire mondial comporte des coûts cachés qui ne figurent pas sur le ticket de caisse, mais que nous devons tous payer, tôt ou tard.

Depuis une dizaine d’années, plusieurs études démontrent que notre alimentation engendre des coûts supplémentaires en raison des différents impacts négatifs qu’elle génère sur l’environnement, les inégalités socio-économiques et la santé. Ces études suggèrent que si tous ces impacts négatifs étaient pris en compte, le coût réel de notre alimentation serait 2 ou 3 fois plus élevé que celui que nous payons à la caisse.

En 2021, les Nations Unies estimaient la valeur totale de notre consommation alimentaire annuelle mondiale à 9000 milliards de dollars. Or, ces « coûts cachés » s’élèveraient à 18 900 milliards de dollars, dont 7000 milliards en coûts environnementaux (37%), 11 000 milliards en coûts pour la vie humaine (58,2%) et 1000 milliards en coûts économiques (5,3%). Et ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg, car ces études se limitent à ce qui est chiffrable – excluant par exemple l’épuisement des ressources naturelles, la dégradation des sols, etc.

Dans le secteur de la santé, un premier poste qui génère des surcoûts est lié à nos habitudes de consommation. En effet, la part de personnes obèses dans le monde ne cesse d’augmenter, touchant actuellement 16% de la population adulte, tandis que le surpoids pourrait toucher 60% de la population adulte d’ici 2050. Or, l’obésité et le surpoids sont associés à un risque élevé de maladies telles que le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, l’hypertension, certains types de cancers, les troubles neurologiques et les affections respiratoires chroniques. L’augmentation de ces maladies exerce une pression croissante sur nos services de santé – et ce particulièrement dans les pays à haut revenu, mais bientôt également dans les pays à bas revenu où la malbouffe industrielle gagne du terrain.


Mais le système de production industriel impacte également notre santé par d’autres biais : l’abus d’antibiotiques dans l’élevage industriel (qui contribue au phénomène d’antibiorésistance), l’exposition des producteurs et productrices aux pesticides et la pollution de nos eaux potables par les nitrates et les résidus de pesticides. D’autres impacts encore restent par ailleurs non chiffrables, comme la malnutrition et la sous-nutrition, et sont omis dans la plupart des calculs des coûts cachés.

PFAS, résidus de pesticides, nitrates… Nous savons désormais que la qualité de l’eau du robinet en Belgique laisse à désirer, et c’est en grande partie dû aux engrais et pesticides de synthèse utilisés massivement par l’agriculture industrielle. Pourtant, le prix du m³ ne fait qu’augmenter depuis 1990 à un rythme supérieur à celui de l’inflation, et cette tendance risque de s’accentuer au regard des investissements à prévoir en matière de dépollution. Une mesure qui risque de se répercuter sur les consommateurs et consommatrices de façon peu démocratique…

Cependant, depuis 2020, la régie Eau de Paris a testé un dispositif prometteur. Ils encouragent les agriculteurs et agricultrices dans les zones de captage à passer en bio en leur versant 450€ par hectare (soit environ 100-150€ de plus que les aides de la PAC). De même, une aide plus modeste est offerte à celles et ceux qui réduisent leur utilisation de pesticides. Résultat ? Après quatre ans, 58% d’entre eux produisent désormais du bio (soit 4 fois plus qu’au début du projet) et la quantité de pesticides utilisés a baissé de 77%. Ce programme de prévention coûte ainsi 3 fois moins cher qu’un système de dépollution des eaux contaminées.

Une question se pose alors : comment mettre fin à ce modèle qui comporte des coûts cachés ? Il est clair que les États doivent soutenir le développement de modèles de production sains et durables pour de réduire la facture pour la société. Mais pas question de surtaxer la population pour financer cette transition, ni d’en faire directement porter le poids aux consommateurs et aux consommatrices. Non : ce sont les multinationales de l’agroalimentaire qui doivent prioritairement être mises à contribution, car ce sont elles qui captent l’essentiel du profit généré par l’externalisation de tous ces coûts cachés. Des normes écologiques et sanitaires plus fermes pourraient donc être imposées au secteur agro-industriel. De même, des taxes sur les intrants chimiques ou les produits ultra- transformés permettraient de décourager les pratiques non durables. A condition toutefois de soutenir financièrement les agriculteurs dans l’adoption de pratiques agroécologiques, afin de ne pas leur faire porter le poids de la transition.

Rédaction : Pauline Botquin, volontaire pour Humundi

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Supporterres n°34