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21 mai 2025

Agroécologie en Ouganda : quelles leçons pour la RDC ?

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Mityana, Ouganda – avril 2025.
Sur un terrain de dix hectares, entre composts, ruches bourdonnantes, semences paysannes, bassins de rétention d’eau et savoir-faire paysan ancestral, l’agroécologie prend vie. À une centaine de kilomètres de Kampala, le Centre de Gestion Écologique des Terres (ELUM), animé par notre partenaire PELUM Uganda, en est la preuve vivante : l’Ouganda fait figure de pionnier en agroécologie sur le continent africain. Un modèle structuré et soutenu par les communautés locales, les ONG, les institutions académiques et les autorités publiques – mais encore trop peu connu.

C’est dans ce contexte que Jean-Pierre, de Humundi RDC, a passé dix jours en immersion sur place. Son objectif : repérer des pratiques inspirantes à adapter en République démocratique du Congo, pour faire avancer une transition agroécologique essentielle face aux crises alimentaires, environnementales et sociales.

Le Centre agroécologique ELUM : un hub vivant de la transition en Ouganda

Situé dans le district de Mityana, le centre agroécologique ELUM fonctionne comme un véritable éco-campus rural vivant. On y apprend à produire des biofertilisants, cultiver en polyculture, capter l’eau de pluie, pratiquer l’apiculture, conserver les semences traditionnelles, ou encore adopter des technologies sobres en énergie.

Ce centre accueille un large éventail d’acteurs : agriculteurs et agricultrices, scientifiques, étudiants, agents publics, ONG, mais aussi des citoyens et citoyennes curieux de découvrir l’agroécologie en action.

Le centre joue également un rôle stratégique dans le plaidoyer porté par l’ONG PELUM Uganda. En accueillant des visites de terrain de décideurs publics, il devient un levier d’influence pour faire avancer la reconnaissance de l’agroécologie. Il développe aussi des activités génératrices de revenus et apporte des preuves concrètes de l’efficacité des pratiques agroécologiques.

Jean-Pierre nous apprend qu’un bâtiment de formation est en construction, et qu’un plan ambitieux vise à faire d’ELUM un centre d’apprentissage et de référence pour l’agroécologie.

« On sent que ce lieu a été pensé pour durer. Il est sobre, efficace, enraciné. Il ne vend pas une idée d’agroécologie : il la vit. » — Jean-Pierre, Humundi RDC

agroécologie en Ouganda : un réseau structuré entre formation, gouvernance et institutions

En parallèle du centre ELUM, d’autres dynamiques de terrain renforcent la diffusion des pratiques agroécologiques. C’est le cas des écoles communautaires d’agroécologie, soutenues par ESAFF Uganda.

Ces écoles — on en compte plusieurs dizaines à travers le pays — rassemblent des groupes d’agriculteurs et d’agricultrices qui, face au manque de conseil agricole public, mutualisent leurs savoirs pour expérimenter et échanger autour des pratiques agroécologiques. Elles offrent un espace d’apprentissage entre pairs, ancré dans le quotidien des paysans et paysannes.

Jean-Pierre a eu l’opportunité de visiter l’une d’elles, la Magongolo Community Agroecology School, située à proximité de Mityana. Cette école accompagne les agriculteurs et les agricultrices, dans la gestion collective de banques de semences villageoises, un levier essentiel pour préserver les variétés locales, renforcer la souveraineté alimentaire et accroître la résilience face aux crises climatiques ou économiques.

Personnel Humundi PELUM Membres de Magongolo Community Agroecology School - : Agroécologie en Ouganda : quelles leçons pour la RDC ?

Ces différentes initiatives, bien que portées par des structures distinctes, participent à un même élan agroécologique national.

Lors de son séjour, Jean-Pierre a été particulièrement marqué par la manière dont l’ONG PELUM Uganda structure ce mouvement à l’échelle du pays. Le réseau s’appuie sur une gouvernance inclusive mêlant ONG, scientifiques, structures de certification et autorités publiques. Il bénéficie d’un protocole d’accord officiel avec le ministère de l’Agriculture, garantissant un cadre de collaboration clair et durable. Cet appui étatique marque un engagement fort pour faire de l’agroécologie un axe stratégique du développement rural.

L’agroécologie est également pleinement intégrée dans l’enseignement supérieur. À l’Uganda Martyrs University, une filière complète est proposée, jusqu’au doctorat.

« L’existence d’un programme académique complet en agroécologie m’a particulièrement impressionné. Cela montre une réelle volonté d’institutionnaliser les savoirs agroécologiques dans l’enseignement supérieur et de former une nouvelle génération de professionnels engagés pour des systèmes alimentaires durables

Cette reconnaissance institutionnelle confère à l’agroécologie une légitimité encore trop souvent absente dans d’autres pays du continent africain.

échanges avec les producteurs : entre engagement et contraintes

Pendant son séjour, Jean-Pierre a rencontré plusieurs agriculteurs et agricultrices et membres des équipes locales. Tous et toutes partagent une prise de conscience forte des effets néfastes des pesticides chimiques sur la santé et l’environnement, et affichent une motivation claire à adopter des pratiques agricoles durables.

Mais sur le terrain, cette volonté se heurte à plusieurs obstacles :

  • Des coûts de production élevés ;
  • Une concurrence féroce avec des produits issus de l’agriculture conventionnelle  ;
  • Un accès limité aux marchés.

Ces témoignages rappellent que la transition agroécologique ne peut reposer uniquement sur la bonne volonté des producteurs et productrices. Elle doit être accompagnée par des politiques publiques ambitieuses, un soutien renforcé à la commercialisation de produits agroécologiques en circuits courts, pour garantir au monde paysan un revenu juste et durable.

quelles pistes pour renforcer l’agroécologie en rdc ?

L’expérience ougandaise offre des enseignements précieux pour accélérer la transition agroécologique en RDC. Au terme de son immersion, Jean-Pierre a identifié plusieurs leviers prioritaires :

  • Renforcer le plaidoyer auprès des autorités pour obtenir une reconnaissance officielle et un ancrage institutionnel durable des pratiques agroécologiques ;
  • Structurer un réseau agroécologique par province, soutenu par une coordination nationale claire et inclusive ;
  • Produire des données probantes sur l’impact de l’agroécologie afin d’alimenter et influencer les politiques ;
  • Sensibiliser les consommateurs et consommatrices, renforcer les liens directs entre monde paysan et société civile pour stimuler la demande en produits agricoles durables.

« L’agroécologie est plus qu’une technique : c’est un mouvement porté par des communautés engagées pour la souveraineté alimentaire, la résilience et la justice environnementale. » conclut Jean-Pierre.


Chez Humundi, nous sommes convaincus que les échanges entre pays peuvent devenir un puissant moteur de changement. Pour que les savoirs circulent, que les voix locales portent, et que l’agroécologie s’affirme partout comme une réponse concrète et partagée face aux défis alimentaires, sociaux et environnementaux.