31 octobre 2024
Humundi race 2024
Lire la suite30 mars 2022
D’un garage où se rencontraient consom’acteurs et agriculteurs à des marchés hebdomadaires aux 4 coins de Bamako, l’agroécologie a fait du chemin dans les habitudes des Maliens !
Au Mali, la terre est travaillée par des coopératives, des communautés et en famille. Avec des conditions climatiques et sécuritaires instables et difficiles, l’agriculture est une vocation exigeante et fluctuante qu’il est parfois difficile de garder rentable. Abdoulaye Coulibaly, un des rares agriculteurs qui résiste aux intrants chimiques, explique : « J’ai perdu beaucoup de récoltes, encore récemment avec l’invasion de criquets pèlerins. Mais je me refuse d’envisager des produits chimiques, même si mes voisins ne comprennent pas mon obstination. »
A Bamako, une initiative a germé pour rapprocher ces producteurs au naturel des consommateurs dans la capitale. Sandrine Tembely, présidente du Resapac, raconte : « En 2018, j’ai ouvert mon garage pour faciliter la rencontre entre des consom’acteurs soucieux de la qualité des produits et une coopérative de producteurs locaux et bio. L’idée répondait à un besoin réel et c’est ainsi qu’a débuté le Réseau Solidaire en Agroécologie Paysanne et Citoyenne (Resapac). Ensuite, d’autres espaces ont été mis à disposition par des particuliers et, à présent, il y a 4 marchés hebdomadaires dans la ville de Bamako où une trentaine de producteurs vendent tout au long de l’année ! ».
Les agriculteurs des campagnes viennent en ville s’occuper eux-mêmes des marchés, épaulés par des référents consommateurs qui facilitent les échanges et renforcent la relation client. Une certification bio-locale Resapac a été créée pour assurer la traçabilité et le maintien de la qualité des produits, ainsi qu’une charte. Cette dernière prévoit un accompagnement au fil des saisons et un appui technique de la part de spécialistes, pour l’aménagement du potager, la gestion de l’eau, l’anticipation des semis ou la planification dela récolte pour un service de précommande.
Abdoulaye Coulibaly explique par exemple que le Resapac l’a aidé à trouver de bonnes semences de pommes de terre, car celles qu’il avait achetées avaient pourri et n’avaient pas poussé. Ainsi, un échange de savoirs se met en place et l’effet de groupe diminue la prise de risque de chaque membre individuellement.
» J’étais la risée de mes voisins qui ne croyaient pas que l’agroécologie pouvait fonctionner. Heureusement, j’ai rejoint le Réseau Solidaire en Agroécologie Citoyenne où mes produits sont appréciés à leur juste valeur. «
Abdoulaye Coulibaly
Pour valoriser davantage les récoltes, la transformation des produits saisonniers est aussi promue et permet de prolonger la disponibilité des légumes hors saison ainsi que de réaliser une plus-value majorée. Hélène N’Diaye, membre du conseil d’administration du Resapac et chargée de la communication, explique que « les coulis de tomates et autres conserves fonctionnent bien mais d’autres idées plus originales sont tentées comme les raviolis. Malheureusement, l’approvisionnement en farines maliennes est difficile à cause de l’insécurité des routes et des aléas climatiques ».
Ces contraintes, ajoutées aux difficultés de trésorerie et de stockage, freinent les innovations et rendent le changement des habitudes et des acquis beaucoup plus long, décourageant une vision sur le long terme.
Toutefois, le Resapac a déjà prouvé son efficacité pour trouver des débouchés adaptés et renforcer les productions agroécologiques de façon concrète et fiable. De plus, la demande reste plus élevée que l’offre et les idées continuent de se multiplier, comme une collaboration avec un restaurant achetant systématiquement les invendus des marchés hebdomadaires afin que les producteurs aient la certitude d’écouler la totalité des produits récoltés.
Des évènements grand public sont aussi organisés pour sensibiliser les consommateurs à l’importance d’un soutien régulier envers les efforts agroécologiques. C’est aussi pour cette raison que les prix de vente sont fixes tout au long de l’année et reflètent la prise de risque des producteurs, afin que ceux-ci gardent la motivation et trouvent une stabilité de leur niveau de vie pour s’investir encore davantage.
Sous peu, le Resapac deviendra une association qui aura la particularité de couvrir et certifier toute la chaine : des producteurs et transformateurs aux consommateurs, avec l’objectif de multiplier les marchés dans les différents quartiers de Bamako. De plus, de nombreuses possibilités de projets et de partenariats se dégagent du réseau, comme des crédits à taux zéro, des partages de matériel et des financements pour des constructions de puits ou autres. Enfin, le développement des filières autour de l’alimentation peuvent aussi décourager la migration en améliorant les conditions de travail et de vie au niveau local.
En résumé, leur réussite en expansion prouve bien que les voix (et non voies) de garage peuvent mener loin !
Rédaction : Laëtitia Fauconier pour le Supporterres « Vendre à prix juste »