13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite17 juin 2022
Lors de son passage à Bruxelles, nous avons eu l’opportunité d’échanger avec Abdoulaye Ouedraogo, coordinateur de l’Association pour la Promotion des Initiatives Locales (APIL) au Burkina Faso. Partenaire de SOS Faim depuis plusieurs années, elle est particulièrement active dans la promotion de l’agroécologie, la formation des jeunes ainsi que dans le financement de projets socio-économiques portés par des femmes. Trois axes que nous avons croisés pour discuter ensemble de l’importance de reconnecter les mangeurs et mangeuses aux denrées locales. Cela à des fins de réinsertion, de développement territorial mais aussi de plaisir de transformer et de se régaler localement.
Avec l’APIL, vous organisez des formations pour les jeunes publics, notamment dans le secteur de la restauration. Est-ce que tu peux m’en parler ?
Abdoulaye > Oui, nous avons des avancées importantes. Parce que nous avons compris que les jeunes, aujourd’hui, qu’ils soient urbains ou ruraux ne maitrisent pas les mets locaux. Ils voient, ils achètent mais ils ne savent pas qu’ils peuvent faire eux-mêmes la même chose avec des produits locaux. Et pourtant ça devrait avoir une place plus importante si on réfléchit aux modes de consommation.
Nous avons 60% de jeunes filles et 40% de jeunes garçons qui ont suivi une formation de 3 mois sur la fabrication de mets locaux. Et ce qui est intéressant, c’est que les formatrices achètent les aliments aux producteurs qui cultivent en respectant les normes agroécologiques et avec qui nous travaillons. Parce que le but ultime, ensuite, c’est qu’ils puissent ouvrir des restaurants qui aient une autre « valeur », pas des restaurants classiques.
Pour pouvoir dire : « moi, je cuisine ici avec des produits qui sont élaborés naturellement et qui ont une valeur ajoutée ». Ensuite, ils ont une autorisation officielle, donnée par l’État pour exercer le métier. C’est comme ça qu’ils peuvent agir de façon responsable et autonome.
Qui sont les jeunes qui participent à la formation ?
Abdoulaye > Ce sont des jeunes qui pratiquaient l’agriculture, l’élevage mais, qui, à la suite des déplacements massifs des populations, à cause du terrorisme se sont retrouvés dans des villes secondaires, plus petites. Alors ce sont des jeunes en reconversion professionnelle, et pour éviter le chômage, l’oisiveté et toutes leurs conséquences, des projets sont venus pour renforcer l’employabilité des jeunes. Comment on a fait ? Nous avons inclus la commune, la mairie dans la réflexion. Nous leur avons demandé de nous communiquer les capacités professionnelles manquantes pour pouvoir développer des filières de formation qui puissent assurer l’emploi des jeunes et répondre aux besoins de savoir-faire de la commune. La restauration en faisait partie.
Et alors ces jeunes finissent par travailler dans des restaurants qu’ils ouvrent eux-mêmes ?
Abdoulaye > APIL a soutenu ces jeunes formés à créer leur coopérative de fourniture de service de restauration. Avec cette coopérative, ils peuvent s’installer et proposer des mets de qualité aux populations locales en zones rurales. Et d’autres peuvent décider d’aller chercher du travail. Environ 30% seront employés dans d’autres restaurants ou hôtels de la ville. Mais nous ce qui nous importe c’est que ces jeunes s’installent à leur propre compte avec la coopérative qu’on a mise en place. Parce que ça peut donner un autre élan à la cuisine locale.
J’imagine que même s’ils ne continuent pas la cuisine, cela reste une belle opportunité de sensibilisation de votre part, non ?
Abdoulaye > Oui, en fait, c’est vraiment le gain. Parce que ça devient des ambassadeurs et ambassadrices pour montrer les relations qu’un producteur et un consommateur peuvent avoir et comment les mets peuvent être diversifiés. Au moins les cuisiniers perpétuent aussi de bonnes façons de produire, ils renforcent une demande de produits bios. Et puis quand les jeunes voient ce qu’ils sont capables de faire ils sont émerveillés par leur propre travail, c’est bien beau.
Comment est financée la formation ?
Abdoulaye > La formation est financée par l’APIL avec Expertise Française pour le moment. Progressivement, l’État s’invite, parce qu’il y a un fond de formation pour les jeunes et on est en train de préparer les choses pour que l’État participe aux financements de nos formations. C’est la prochaine étape.
Aussi, cette initiative a été vraiment appréciée par la mairie et donc elle est en train de voir comment elle peut continuer ce travail avec les jeunes formés. Pour eux, c’est vraiment
une trouvaille intéressante qu’il faut mettre à l’échelle.
Il y a donc une réelle revalorisation du patrimoine culinaire avec ces formations ?
Abdoulaye > Oui, ça donne vraiment un autre élan et de nouveaux marchés pour la commercialisation des produits maraichers. C’est aussi pour ça que le travail avec les restaurants est très important, pour contribuer au développement de marchés de produits agroécologiques. Avec APIL, nous accompagnons des points de vente pour que les restaurants puissent se fournir plus facilement en denrées locales.
Ainsi, des professionnels de la transformation de denrées locales peuvent rencontrer facilement les professionnels de la production de denrées locales et se soutenir mutuellement sur un même territoire.
Rédigé par Adèle Funes, Rédactrice pour Supporterres.