13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite13 décembre 2019
Le constat est partagé : l’agriculture est victime et coupable du changement climatique, mais elle peut également être solution. À condition de repenser en profondeur nos systèmes de production alimentaire. À l’heure d’imaginer le modèle agricole de demain, les visions s’affrontent… Un basculement à saisir pour promouvoir l’agroécologie face aux solutions agro-industrielles qui n’ont de durables que le nom.
En 2010, la FAO1 a proposé le concept d’« agriculture intelligente face au climat » avec trois finalités simultanées : diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole, stocker du carbone dans les sols et garantir la sécurité alimentaire de tous.
À l’origine, l’objectif était louable : encourager un changement de paradigme dans les méthodes de production dominantes qui avaient fait la preuve de leurs limites. Mais une définition trop vague de ce concept a laissé la porte ouverte à l’agroindustrie qui s’en est rapidement saisie pour promouvoir des solutions présentées comme « climato-intelligentes » mais qui ne sont en réalité que la continuité du modèle de production actuel.
Les solutions au changement climatique portées par l’agroindustrie sont essentiellement basées sur l’innovation et les nouvelles technologies : agriculture de précision (utilisation de drones pour cibler les apports d’intrants par exemple), digitalisation, OGM qui vont de pair avec l’ultra mécanisation et l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques.
Il n’y a pas véritablement de remise en question de l’agriculture productiviste et ultraspécialisée qui a pourtant conduit à l’appauvrissement des sols, l’érosion de la biodiversité et l’augmentation des émissions de GES. Sans oublier l’incapacité de ce modèle à éradiquer complètement la faim dans le monde. De plus, il s’agit davantage d’un déplacement des émissions de GES vers des technologies gourmandes en énergie que de leur véritable réduction.
Un modèle agricole basé sur les principes de l’agroécologie est le plus à même de constituer une solution durable au changement climatique, tout simplement car l’agroécologie s’attaque à la source du problème.
En effet, le changement climatique est une conséquence directe de la dégradation des écosystèmes. Or, l’agroécologie repose sur la préservation des écosystèmes naturels car elle utilise leurs fonctionnalités. De plus, l’agroécologie privilégie une approche locale qui est plus à même de garantir la sécurité alimentaire et l’adaptation au changement climatique que les solutions « décentralisées » de l’agro-industrie.
Il existe des pratiques agroécologiques permettant de réduire les émissions de GES d’origine agricole. Et contrairement aux solutions « climato-intelligentes », leur mise en œuvre ne nécessite pas d’investissements massifs.
Ainsi, un levier pour diminuer les émissions de protoxyde d’azote consiste à diversifier les cultures en introduisant des légumineuses (pois, niébé…). Celles-ci captent l’azote de l’air qui permet de fertiliser les sols sans apports d’engrais de synthèse. De plus, elles sont riches en protéines et peuvent permettre d’équilibrer un régime alimentaire plus faible en viande, la baisse de consommation de viande étant aussi recommandée pour réduire les émissions de GES.
Un autre exemple consiste à favoriser l’élevage à l’herbe pour les bovins, par le maintien des prairies. En général, l’excrétion des déjections à la pâture est moins propice à l’émission de méthane que lorsqu’elle a lieu en bâtiment.
L’agroécologie est également porteuse de pratiques qui contribuent directement à l’atténuation du changement climatique en favorisant la séquestration du carbone dans les sols. Ainsi, l’implantation de cultures intermédiaires dans les rotations, la pratique de l’agroforesterie, le maintien des prairies permettent à la fois d’enrichir les sols en matière organique et, en assurant une couverture permanente des sols, d’augmenter leur stock de carbone.
Contrairement aux solutions « climato-intelligentes » de l’agriculture industrielle, le passage à un système de production fondé sur les principes de l’agroécologie permettrait d’assurer la simultanéité entre atténuation et adaptation au changement climatique. Les changements de pratiques agricoles devront s’accompagner d’une évolution des habitudes de consommation pour favoriser les aliments produits dans le cadre de systèmes à faibles émissions de gaz à effet de serre.
(1) L’agence des Nations-Unies pour l’agriculture et l’alimentation
Rédaction : Mathilde Calmels