13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite8 mars 2020
Avec 35 000 tasses de café consommées chaque seconde [1], le café est en train de devenir la boisson la plus populaire du monde. En Belgique, nous buvons près de 20 millions de tasses par jour [2]. Nous avons le choix entre une multitude de types de cafés et de goûts, vendus en grains ou moulus, en capsules ou en cappuccino, mais la provenance du café et les conditions dans lesquelles il est produit sous souvent obscures car difficiles à tracer. En effet, le café est produit dans plus de 50 pays différents et les grains de différentes provenances sont souvent mélangées. Le système de certification “commerce équitable” dont le but est de fournir un revenu décent et stable aux petits producteurs, est censé nous aider à s’y retrouver. Mais qu’en est-il de l’égalité hommes-femmes ? Pour le savoir, examinons la chaîne de production du café, du Pérou (10ème producteur mondial) à la Belgique.
La FAO identifie deux grands types de contraintes liées au genre : celles qui privent les femmes d’accès aux ressources leur permettant de produire et celles qui privent les femmes d’accès au pouvoir de décision et à l’autonomisation. Au Pérou, les femmes représentent 31,3% des actifs dans le secteur de l’agriculture mais seulement environ 20% des exploitants agricoles (soit quelqu’un qui exerce un contrôle de gestion sur une exploitation agricole). Ceci montre déjà que les péruviennes ont moins de contrôle sur les terres agricoles.
Un premier aperçu de la chaîne du café montre que les femmes occupent en moyenne 70 % des emplois de terrain et de récolte du café, contre seulement 10 % des emplois de commerce et d’expertise selon une enquête de l’ITC menée dans 15 pays producteurs [3].
Les premiers acteurs dans la chaîne du café sont les agriculteurs, responsables de la plantation des graines de café, de leur culture et de leur récolte sous forme de cerises de café rouges. A cette étape, ce sont principalement des femmes qui s’occupent de la cueillette et du tri des grains de café. En plus de ce travail laborieux, les femmes devant généralement s’occuper aussi des enfants et des affaires du ménage, elles ne sont souvent pas en position de pouvoir négocier de meilleures conditions de travail [4].
C’est l’étape où les cerises sont triées et séchées et où la pulpe est retirée. Cette première transformation est souvent faite au niveau des coopératives de producteurs de café. Malheureusement, d’après un rapport du Specialty Coffee Association (SCA), les femmes ont rarement la formation ou l’estime de soi nécessaires pour participer pleinement aux coopératives et pour assumer des rôles de direction, si elles parviennent à en devenir membres. De plus, les préjugés culturels peuvent leur donner l’impression qu’elles ne sont pas les bienvenues aux réunions des coopératives ce qui représente une autre contrainte directement liée au genre.
Les grains de café sont ensuite négociés et vendus sur le marché international pour arriver chez les torréfacteurs en Europe (Lavazza, Starbucks, Nestlé…). Ici aussi, les péruviennes sont souvent exclues du fait d’un manque d’éducation et ne parlent pas forcément espagnol (mais plutôt leur dialecte local). Le manque de formations au commerce constitue une autre barrière à l’accès aux positions plus importantes et mieux rémunérées.
Les principaux torréfacteurs de café ont tous conclu une alliance avec un organisme de certification du café qui imposent des normes internationales (par exemple, Fairtrade ou Rainforest Alliance). Concrètement, ces organisations travaillent avec les agriculteurs pour améliorer leurs pratiques agricoles, développer des outils pour traiter les questions de durabilité, auditer les processus afin de certifier la production de café aux consommateurs. L’ironie est que certains standards imposés par ces organismes demandent encore plus d’efforts au niveau de la ferme et donc plus d’exigences par rapport aux femmes.
Pour corriger ces inégalités, certaines organisations développent des formations spécifiquement pour les productrices pour améliorer leur confiance en elles et les encourager à prendre des rôles plus importants (dans les coopératives par exemple). Un tel exemple existe au Rwanda [5]. Les organismes de certifications peuvent aussi tenter d’améliorer la situation des productrices : au Guatemala, il existe par exemple le “café de mujer” certifié être 100% produit par des femmes.
Alors que la chaîne du café se raccourcit et devient de plus en plus transparente, les inégalités sont rendues visibles : à nous ensuite, consommateurs et citoyens, d’apporter notre soutien aux agricultrices !
Rédactrice : Madeleine Coste, volontaire
[1] http://www.wipo.int/edocs/pubdocs/en/wipo_pub_944_2017.pdf
[3] https://www.scaa.org/PDF/scaa-white-paper-gender-equality.pdf
[4] Sachs, C. (2015) ‘Gender and the international political economy of agri- food’
[5] https://www.scaa.org/PDF/scaa-white-paper-gender-equality.pdf
Lire le numéro complet du Supporterres dédié aux femmes (mars 2020)