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1 septembre 2025

En Palestine , l’agroécologie comme moyen de résistance

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Alors que le génocide à Gaza se perpétue, la population palestinienne de Cisjordanie souffre depuis des décennies de l’ingérence israélienne, qui prive de nombreux agriculteurs et agricultrices palestiniens d’accès aux ressources naturelles. Face à ces actes qualifiés d’écocide, les paysans, les femmes et les jeunes cherchent à se libérer de l’emprise Israélienne grâce à l’agroécologie.

La souveraineté alimentaire palestinienne au centre du viseur

Rappelons d’abord que le territoire de Cisjordanie est divisé en trois zones : la zone A sous l’autorité palestinienne
(18%), la zone B sous tutelle mixte mais contrôlée par l’armée israélienne (21%) et la zone C sous contrôle israélien (61%). Or, en zone C, Israël contrôle l’accès aux ressources naturelles : choix des cultures, accès à la terre, accès à l’eau. Des points de contrôle limitent le mouvement des Palestiniens et de nombreux agriculteurs se sont retrouvés coupés de leurs cultures par le mur de « l’Apartheid » qui sépare Israël de la Cisjordanie et le mur d’enclave de Gaza. Selon Lina Isma’il, co-fondatrice du Palestinian Agroecological Forum (PAF), la signature du Protocole de Paris (1994), qui acte cet état de fait, aura créé une économie palestinienne captive, exploitée par l’état israélien et les compagnies privées.

Or, ce contrôle et cette réclusion s’accompagnent d’un véritable écocide et d’un anéantissement du système de production traditionnel palestinien, appelé baladi. En quelques décennies, 70% des terres agricoles et des vergers ont été détruits, ainsi que des milliers de serres agricoles ; 43% de l’eau a disparu, asséchée ou polluée. L’approvisionnement des Palestiniens repose dès lors largement sur les exportations agroindustrielles israéliennes – la Palestine étant ainsi le troisième marché d’exportation d’Israël.

Un mouvement agroécologique en Palestine

Face à la pression israélienne, toutefois, de nombreux Palestiniens tentent de recouvrer leur souveraineté alimentaire en misant sur l’agroécologie et la restauration des cultures traditionnelles. Depuis 2018, le Palestinian Agroécological Forum (PAF) travaille avec acharnement et d’autres suivent également cette voie. Saad Dagher, ancien agronome, réapprivoise par exemple le système baladi pour survivre sous l’occupation israélienne. Il arrive à toucher les jeunes palestiniens en faisant des liens entre l’agroécologie et la liberté. De même, des fermes comme celle d’Om Sleiman fonctionnent en coopératives de producteurs et consommateurs, et offrent aux populations le choix d’un autre système alimentaire que celui basé sur les importations.

Le cas des olives est également parlant. Les producteurs d’olives sont exposés à de nombreuses violences de la part des autorités israéliennes. Durant le mois d’octobre 2024, par exemple, 200 actes de vandalisme, d’interdiction d’accès ou de vol ont été recensés par les autorités palestiniennes contre les cueilleurs d’olives qui travaillent dans les grandes coopératives israéliennes. Face à cette situation, la Palestine Fair Trade Association offre alors une alternative salvatrice. En aidant les fermiers à récolter les olives et à les revendre, elle leur permet de valoriser leurs productions à un meilleur prix que la coopérative israélienne. Elle offre par ailleurs un cadre de production plus sécurisé.

A Gaza, des décennies de lutte réduites à néant

La situation est cependant bien plus dramatique dans la bande de Gaza, et l’était avant même que ne débute le génocide actuel. Voilà plus de 50 ans que la nourriture est utilisée comme une arme de guerre par Israël. Si bien que de nombreux gazaouis ont oeuvré pendant des décennies à renforcer la production locale, parvenant à même à rendre Gaza autosuffisante en fruits et légumes. C’est dans cette dynamique qu’avait vu le jour la banque de semences Al-Qarara Baladi, portée par une communauté de 300 femmes engagées dans la formation et le partage de connaissances agroécologiques. Mais depuis le début de la guerre et du génocide, le chaos s’est installé. Les bombardements ont ravagé la plupart des unités de production et la banque de semences Al-Qarara a été détruite en décembre 2023.

Les germes d’une transformation sociale

La Nabka et la création de l’état d’Israël, en 1948, sont le point de départ d’un interminable exil pour le peuple palestinien et d’une longue perte des savoirs et de savoir- faire. Mais face à l’oppression, l’agroécologie s’impose comme une arme pour sortir de la dépendance forcée, en redonnant du pouvoir aux Palestiniens pour transformer leurs systèmes alimentaires et de l’autonomie aux producteurs, tout particulièrement aux femmes. En ce sens, l’agroécologie en Palestine est avant tout un mouvement de transformation sociale et politique qui donne de l’espoir aux jeunes générations.

Rédaction : Manon Armenio (Volontaire)

Supporterres n°33