13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite27 septembre 2018
Dans une région du Sénégal où la baisse de la productivité et l’exode rural facilitent l’accaparement des terres au profit de grands projets privés et minent l’agriculture familiale, l’association JIG JAM s’est donnée pour objectif d’inverser cette tendance, en sensibilisant agriculteurs et autorités locales à l’enjeu de sécuriser la terre.
Que ce soit parce que des agriculteurs abandonnent leur terre pour gagner les villes dans l’espoir d’y décrocher un emploi et une meilleure qualité de vie ou parce que l’État cède aux sirènes de l’argent privé, on entend souvent, autour de Fissel, à l’Ouest du Sénégal, des histoires d’accaparement de terres. Et ce n’est qu’une facette d’un contexte plus global marqué, depuis plus de 20 ans, par la baisse de la fertilité des sols, l’accès compliqué à des semences de qualité, la vétusté du matériel agricole et la dégradation des ressources naturelles.
Pour l’association JIG JAM, sécuriser le foncier est un des moyens d’inverser cette tendance. Car s’il est nécessaire pour les agriculteurs d’acquérir de bonnes pratiques pour mieux gérer leur terre et les rendre plus productive, obtenir une reconnaissance officielle de propriété réduit la menace d’accaparement et surtout redonne des perspectives engageantes aux agriculteurs qui doivent investir et gérer leur terre.
Parmi ses actions, l’association a donc choisi de former des animateurs.trices qui vont à la rencontre des communautés rurales pour les sensibiliser à ces enjeux fonciers. Marie Gning, animatrice au sein de JIG JAM, décrit ainsi sa mission : « Notre travail consiste à accompagner les exploitations familiales, pour qu’elles obtiennent des papiers qui leur permettent d’exploiter leurs terres sans risque parce que si les champs ne sont pas identifiés, délibérés et approuvés, un jour ou l’autre, l’État peut revenir les prendre sans dédommager la famille. Donc il faut les inciter à aller vers le Conseil rural. »
Car c’est lui, en effet, qui reçoit les demandes de délibérations pour l’octroi d’un titre foncier. Il est donc l’autre public cible de JIG JAM. L’association noue des relations proches avec les conseils ruraux et organise, avec des élus locaux, des ateliers de réflexion sur les enjeux fonciers. En les sensibilisant à ces questions, ils saisissent eux aussi l’importance d’officialiser la répartition des terres au profit de la sécurité alimentaire de la région.
Alors, quand se réunit le Conseil rural, les questions foncières prennent désormais une tout autre importance. Ainsi, par exemple, dans la communauté rurale de Ndiaganio, le conseil de délibération du Conseil rural se déroule tous les mardis et le foncier est au menu des débats. S’il y a mésentente ou conflit, chacun vient pour exposer son cas aux membres de la commission domaniale, dans laquelle siègent quatre membres de JIG JAM. Cette dernière fait un rapport qu’elle présente au président du Conseil rural qui, à son tour, leur ordonne de descendre sur le terrain afin de vérifier la raison du conflit et lui présenter un rapport. Après avoir examiné le dossier, le président du Conseil rural passe à la délibération, en présence du Sous-préfet.
Aujourd’hui, près de 35 ans après sa création, l’association JIG JAM compte près de 3500 membres et, grâce à ses actions, la plupart de ceux qui possèdent des terres détiennent désormais un titre foncier.
Pape Assane Diop, représentant de SOS Faim au Sénégal.
« Une fois que la famille dispose d’un titre pour sa terre, elle est plus encline à faire des investissements et à la gérer de manière plus durable. Le cercle redevient vertueux et l’agriculture familiale retrouve alors progressivement son rôle central pour assurer au mieux leur sécurité alimentaire.»
Ndioufa Sow, cheffe d’une petite exploitation familiale de 5 hectares et membre de JIG JAM.
« Les animateurs et animatrices de JIG JAM nous ont formé pour nous faire prendre conscience du trésor que recèle la terre et de l’importance de la sécuriser. On entend parfois dire que le gouvernement a accaparé le terrain d’un paysan. Mais si nos terres sont sécurisées, nous ne devons plus nous inquiéter. Nous pouvons cultiver ces terres et un jour les léguer à nos enfants. Et ce que tu dois léguer à tes enfants, il est important de l’entretenir. L’exploitation familiale a permis à la famille de se réunir. Elle a permis la fusion du capital familial et elle a unit les cœurs. »
Géraldine Higel, volontaire.
Découvrez l’histoire de Ndioufa Sow et de JIG JAM en vidéo.
Cet article est tiré du Supporterres n°5 de septembre 2018 « Sans terre, pas de paysans! ». Pour en savoir plus sur l’accès et l’accaparement de terres, consultez le numéro complet.
https://www.sosfaim.be/sans-terre-pas-de-paysans/