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8 mars 2020

L’agriculture est aussi un monde de femmes

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Elles font le travail des hommes, et parfois même plus et, pourtant, elles n’ont pas les mêmes droits.

Un des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU consiste à « parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles » d’ici à 2030. Dans le monde agricole des pays en voie de développement, l’égalité existe presque déjà mais en réalité uniquement en termes de participation au travail : 43% de la main d’œuvre agricole sont en effet des femmes.

Mais une fois ce chiffre posé, les inégalités commencent. Si les hommes, généralement, labourent, les femmes accomplissent les autres tâches : ensemencement, désherbage, fertilisation, récolte. Mais pas seulement. Elles se chargent également, le plus souvent, de la transformation et de la commercialisation des biens produits. Cette répartition des tâches peut varier d’un pays à un autre, d’une région à une autre, mais elle reflète une réalité : les femmes participent de manière considérable à l’économie rurale et ce sont elles qui produisent la plus grande partie de la nourriture locale et qui nourrissent la famille. En plus de ce travail agricole pénible, elles remplissent également leur rôle de mère, gèrent le foyer et éduquent les enfants. On estime ainsi que l’ensemble de leurs activités les occupent en moyenne 13 h de plus par semaine que les hommes.

Malgré cette réalité et même lorsqu’elles sont cheffes de famille dans les faits, la tradition, le système politique ou religieux ne leur reconnaît bien souvent pas le même statut qu’aux hommes.

Des discriminations légales

Elles sont privées de l’accès à la propriété : à l’échelle mondiale, les femmes ne représentent que 13% des propriétaires de terres agricoles. Lorsqu’elles sont propriétaires, leur exploitation est plus petite d’un tiers que celle des hommes. Leur cheptel est aussi plus modeste. Leurs ressources économiques s’en trouvent diminuées d’autant. L’accès au prêt ne leur est pas autorisé aussi facilement qu’aux hommes : en Afrique, seuls 10% des crédits sont octroyés aux femmes.

Et pourtant, des études de la FAO et de l’OCDE montrent qu’elles gèrent mieux les ressources du ménage et réinvestissent jusqu’à 90% de leur revenu pour répondre aux besoins de leur famille contre 75% pour les hommes. Les banques de microcrédit en sont bien conscientes : 80% des microcrédits accordés dans le monde, le sont à des femmes.

Si elles sont employées dans une entreprise agricole, elles occupent le plus souvent des emplois à temps partiel et pour un même travail (en Afrique), le salaire d’une femme sera en moyenne 50% de celui d’un homme. Toutes ces discriminations sont légales.

« Les femmes devraient vivre de la charité »

Pour combler ces inégalités, une action politique est donc nécessaire. Une action qui peut imposer mais, surtout, qui explique et convainc des avantages à reconnaître la place et les apports économiques et sociaux de la femme dans la société. Le chemin est encore long car les femmes sont sous représentées dans les institutions politiques locales ou nationales. Signalons toutefois le cas du Rwanda où 51 des 80 parlementaires et 11 des 19 ministres sont des femmes, et la Namibie qui a à sa tête une présidente. Mais même si les gouvernements adoptent des législations égalitaires, les traditions locales perdurent où la femme n’a pas son mot à dire.

Ainsi, par exemple, l’Afrique de l’Ouest a connu ces dernières années une immigration importante des hommes, partis chercher de l’emploi à l’étranger. Les femmes se sont alors retrouvées seules et sans aide extérieure pour subvenir aux besoins de la famille. Elles ont du affronter le regard désapprobateur de la société lorsqu’elles ont du effectuer les travaux traditionnellement dévolus aux hommes, certains hommes n’hésitant pas affirmer que “Les femmes devraient vivre de la charité” [1].

Ces discriminations sociétales, additionnées à un travail agricole pénible et lui-même accentué par les conséquences du changement climatique et de la mondialisation aggravent alors la « féminisation de la pauvreté ».

S’unir et se faire entendre

Ne pouvant compter que sur elles-mêmes, elles se regroupent et s’entre-aident mutuellement. Pour Chantal Soubeiga, agricultrice au Burkina Faso, l’empowerment des femmes, dans le sens de plus de possibilités laissées aux femmes, « ne doit pas être apparentée au féminisme des pays occidentaux. Il s’agit plutôt d’une approche unie de la famille dans son ensemble où la femme est partie prenante (…) dans le but de s’entraider et de décider ensemble. » [2]

Ainsi, des solutions émergent et se multiplient comme les « Collèges de femmes », afin de faire entendre leur voix auprès des organisations paysannes… dirigées par des hommes.

Rédacteur : Laurent Stojka

[1] Dionne Searcey et Jaime Yaya Barry, Migration Au Sénégal, ces villages où les hommes ont disparu, New York Time, 30/12/2019

[2] Défis Sud n°136, 2018-2019, p. 72.

EN SAVOIR PLUS

Lire le numéro complet du Supporterres dédié aux femmes (mars 2020)