13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite28 septembre 2020
La République Démocratique du Congo des années 2000 fait rêver : la fin de la guerre, une perspective de paix et une nouvelle marche, celle vers les premières élections libres après plus de 40 ans d’indépendance. La démocratie semble enfin possible. Le pays est sur le devant de la scène : le regard du monde est fixé sur lui. C’est dans ce contexte que le CENADEP voit le jour en septembre 2000 et, à sa suite, quelques années plus tard en 2002, le Réseau Ressources Naturelles, dans un contexte déjà moins favorable.
Le CENADEP (Centre National d’Appui au Développement et à la Participation Populaire) naît de l’espoir d’un nouvel état de droit et de justice sociale – sentiment partagé par divers acteurs de la société civile : il appelle la population à se mobiliser, à revendiquer ses droits et à faire des ressources naturelles du pays un levier de développement. En effet, la République démocratique du Congo dispose d’immenses richesses naturelles : des minéraux, du gaz et du pétrole, mais aussi du bois (deuxième massif forestier tropical au monde).
Mais ce qui aurait pu être un instrument de relance économique et de stabilisation est devenu, entre des mauvaises mains, une arme d’injustice sociale. C’est le paradoxe congolais : près de 70 % de la population vit sous seuil de pauvreté, ce qui en fait l’un des pays les plus pauvres au monde. Au menu, insécurité, corruption et mauvaise gouvernance : l’accaparement des terres et des espaces de vie, souvent avec titres fonciers illégaux, constitue malheureusement une pratique commune.
Partenaire de SOS Faim depuis 2006, le travail du CENADEP a porté ses fruits, notamment avec la création de la fédération paysanne FOPAKO et la mise en place du Programme de Développement Intégré du Bas-Fleuve (PDIBF), qui prône l’agriculture familiale comme réponse à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire. Le Centre participe également à la définition de politiques de développement et à l’accompagnement technique et institutionnel des organisations paysannes locales.
Mais c’est dans ce contexte difficile que le Réseau Ressources Naturelles (RRN) voit le jour en 2002. Coordonné depuis Kinshasa, le RRN est une plate-forme de 256 organisations environnementales et de droits humains actives dans 11 provinces du pays. Il a pour mission la défense des intérêts des communautés locales devant les instances nationales et internationales.
« La paix étant toujours fragile, la démocratie balbutiante, les droits économiques et sociaux des populations non accomplis, les pillages des ressources non arrêtés, nous conservons et consolidons notre mission » regrette Danny Singoma, secrétaire général du CENADEP.
Fortement voulu par le Centre, le Réseau accorde à la société congolaise un rôle actif dans la lutte contre les pratiques illégales et dans la gestion durable des ressources naturelles. Cela doit passer par la sensibilisation de la population à un changement de paradigme – à savoir que la culture itinérante, bien que seul moyen de subsistance pour certains, participe aussi à la déforestation.
La pauvreté y joue également un rôle crucial : il suffit de penser à l’électricité, absente dans beaucoup de ménages, ce qui oblige à se tourner vers le feu de bois. Ce n’est pas un choix mais une nécessité.
Selon Danny Singoma, « les agents forestiers ne doivent pas être des agents de tracasserie mais plutôt proches des communautés, pour un changement de mentalité. Il est important de promouvoir l’agroforesterie communautaire et favoriser le développement d’unités semi-industrielles de transformation du bois, par exemple pour la production locale de papier »
Son infatigable activité de plaidoyer lui a déjà valu quelques victoires : notamment le vote d’un Code forestier, la révision des contrats miniers léonins et un moratoire sur la délivrance des titres de concession forestiers. De la même façon, le RRN a su s’affirmer comme partenaire de l’État dans la gestion des changements climatiques.
Pour en arriver là, le collectif a dû surmonter pas mal d’obstacles : faute de moyens, il a dû faire des choix.
Cependant, Danny Singoma reste confiant : l’implication de tous pourrait changer la donne. « Il est important que les communautés locales soient vraiment associées et impliquées dans l’architecture structurelle, et non par simple reconnaissance tacite. Et les médias doivent relayer leurs revendications – souvent étouffées par les autorités et les investisseurs industriels, qui ont les moyens de plus se faire entendre ».
La route est longue et tortueuse, mais si l’homme apprend de ses erreurs, à vivre en harmonie avec la forêt et à la respecter, alors les générations à venir auront une chance d’inverser la tendance et imposer un nouveau paradigme : une nature mère, qui nourrit ses enfants, les aide à grandir et accomplir leur vrai destin.
Rédactrice : Dieyenaba Faye