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16 septembre 2025

Les femmes sont les forces du changement en Afrique de l’Ouest

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En Afrique de l’Ouest, les femmes sont des actrices centrales de l’agriculture et de l’économie. Elles proposent des solutions concrètes. Mais leur potentiel reste entravé par des barrières structurelles : accès limité aux terres, aux financements et à la formation. Un récent rapport souligne qu’une transition durable et inclusive ne pourra réussir sans la reconnaissance et l’autonomisation des femmes.

Dans l’ensemble de l’Afrique, environ 55 % à 70 % de la population active est impliquée dans l’agriculture. Les femmes y jouent un rôle central. Plus de 60 % d’entre-elles sont impliquées dans la production, la transformation et la commercialisation des produits agricoles (1). Ces chiffres varient selon les sources et les régions du continent et sont à considérer avec prudence. Ils permettent cependant d’esquisser une comparaison avec la France, où les exploitants agricoles ne représentent qu’entre 1,5 % et 4% de l’emploi total. Au sein de ces 4%, les femmes représenteraient environ 30 % de la main-d’œuvre permanente dans le secteur agricole (incluant des activités liées à la transformation, au commerce et aux services agricoles). (2)

Si comparaison n’est pas raison, ces chiffres illustrent l’importance de consacrer des études sur la place des femmes paysannes dans des sociétés africaines, là où l’agriculture occupe une place prépondérante et sera donc centrale dans la transition vers des modèles d’alimentation plus durables.

Concentrons-nous sur l’Afrique de l’Ouest. Paru en 2025, le rapport de synthèse de Fatou Cissé (Consortium pour la Recherche Economique et Sociale – CRES) et de Muhatiah Wentland (African Technology Policy Studies Network – ATPS), intitulé « Les femmes et la transition verte en Afrique de l’Ouest »,  met en lumière les contraintes structurelles auxquelles sont confrontées ces femmes : accès limité aux terres, financements, formation, technologies. Mais dépassant le stade de constats difficiles, ce rapport démontre aussi la contribution effective des femmes ouest africaines dans des secteurs clés comme l’agriculture, l’énergie et la gestion des ressources naturelles.

Fatou Cissé et de Muhatiah Wentland ont mené une analyse thématique approfondie de la littérature, dans le but d’identifier les principaux facteurs d’inégalités entre les hommes et les femmes dans la transition verte en Afrique de l’Ouest. Cette méthode a permis d’examiner en détail la manière dont les facteurs sociaux, culturels et économiques interagissent pour influencer la participation des femmes aux secteurs de l’économie verte. Parallèlement, l’analyse statistiques a permis d’identifier des tendances et des corrélations significatives. Des comparaisons transversales entre plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont également été réalisées afin de mettre en lumière les variations régionales et d’identifier les meilleures pratiques.

Quelques comparaisons, exprimées en %, sont marquantes : dans 9 pays sur les 15 analysés, plus de 90 % de l’emploi informel est féminin, 98% au Bénin et au Burkina, 96% en Côté d’Ivoire, 92% au Sénégal, etc. Les femmes consacrent environ 3 fois plus de temps que les hommes au travail domestique et aux soins non rémunérés. Au Sénégal, il s’agit de 5 heures par jour pour les femmes contre 2 heures par jour pour les hommes. Au Mali, les femmes y consacrent 17 fois plus de temps.

Des femmes actives… Mais des politiques encore insuffisantes

Dans un contexte marqué par le changement climatique, la perte de biodiversité et la raréfaction des ressources, les femmes, en particulier rurales, se trouvent à la fois en première ligne des vulnérabilités et détiennent un potentiel décisif pour l’adoption de modèles plus durables.

Les femmes ouest-africaines subissent de plein fouet les effets du changement climatique, notamment via la dégradation des terres agricoles, la diminution des ressources en eau et la fragilisation des moyens de subsistance.

De nombreuses femmes expliquent qu’elles hésitent à développer leur entreprise car les normes sociales les obligent à concilier activité économique et travail domestique non rémunéré.

Les normes sociales et les discriminations limitent leur accès à la propriété foncière, aux crédits et aux intrants agricoles et les politiques publiques restent trop souvent neutres au genre, invisibilisant ainsi les besoins spécifiques des femmes.

Malgré les contraintes, les femmes développent des stratégies d’adaptation : diversification des cultures, utilisation de semences locales, initiatives communautaires. Elles sont particulièrement actives dans l’économie circulaire (recyclage, valorisation des déchets, transformation locale des produits).

Des initiatives régionales en Afrique de l’Ouest (3) amorcent une reconnaissance du rôle des femmes, mais leur mise en œuvre est limitée. Les initiatives politiques sont cependant insuffisantes. Les cadres institutionnels intègrent de plus en plus la question climatique, mais l’approche genre reste faible. Peu de programmes offrent un financement spécifiquement destiné aux femmes, et ceux-ci demeurent souvent ponctuels.

Enseignements majeurs et recommandations

Fatou Cissé et de Muhatiah Wentland estiment qu’il existe un lien direct entre égalité de genre et transition verte réussie : l’autonomisation des femmes et leur accès à la terre par des réformes foncières inclusives améliorent la sécurité alimentaire, la résilience des communautés et la durabilité des écosystèmes. Les solutions efficaces sont celles qui partent des pratiques communautaires et intègrent les savoirs locaux des femmes, mais l’absence de statistiques fiables empêche une planification adaptée.

Il faudrait donc intégrer le genre dans les politiques climatiques, introduire systématiquement une analyse genre dans les plans nationaux de lutte contre le changement climatique et définir des budgets sensibles au genre pour financer spécifiquement les projets portés par des femmes, avec des mécanismes de crédit adaptés, des taux préférentiels et des garanties alternatives.

L’agroécologie, les énergies renouvelables et l’économie circulaire peuvent être testés et diffusés tout en intégrant les savoirs traditionnels féminins dans les politiques environnementales et en encourageant la participation active des femmes dans les instances locales de gouvernance environnementale.

Le rapport établit clairement que la réussite de la transition verte en Afrique de l’Ouest est indissociable de l’autonomisation des femmes. Loin d’être uniquement victimes des crises environnementales, elles sont des actrices stratégiques, détentrices de savoirs et de solutions. Toutefois, sans un changement profond des politiques publiques, des financements et des normes sociales, leur potentiel restera sous-exploité.

Un engagement ferme des États, des bailleurs et des acteurs régionaux est attendu, afin que les femmes deviennent les piliers de sociétés ouest-africaines résilientes et inclusives.

Lire la rapport : https://www.inter-reseaux.org/ressource/les-femmes-et-la-transition-verte-en-afrique-de-louest/

(1). wipo.int

(2) womeninagmag.com

(3) Des initiatives de la CEDEAO, de l’UEMOA et de la CILSS.