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30 septembre 2020

Les labels forestiers: à quel bois se fier ?

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Partout dans le monde, la sylviculture intensive fait des ravages : déclin de la biodiversité, libération d’impressionnantes quantités de carbone, non-respect des besoins en ressources de la population locale… Autant de dérives qui ont poussé certaines organisations à mettre en place des systèmes de certification afin de garantir aux consommateurs une gestion plus responsable des forêts, qui tienne compte de l’équilibre entre leurs fonctions sociales, écologiques et économiques. Parmi ces systèmes de certification, le Programme de Reconnaissance de Certification Forestière (PEFC) et le Forest Stewardship Council (FSC) sont les plus reconnus à l’échelle mondiale. Mais sont-ils vraiment efficaces dans la lutte contre la déforestation ? Décryptage.

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PEFC versus FSC

Tout d’abord, quelles sont les principales différences entre les deux écolabels forestiers ?
Leur mission reste assez semblable. D’une part, élaborer une liste d’indicateurs de durabilité, tels que l’interdiction d’utiliser des OGM, l’usage limité de pesticides et d’OGM ou la sauvegarde des zones habitées par les communautés indigènes. D’autre part, promouvoir la mise en place de ces indicateurs auprès des gestionnaires forestiers, ainsi que des entreprises de transformation du bois et du papier, comme les fabricants de meubles et les imprimeurs. Des auditeurs indépendants [1] se chargent d’évaluer les demandes de certification des acteurs de l’industrie du bois et contrôlent régulièrement les forêts et les entreprises certifiées afin de veiller au bon respect des règles.

Malgré ces similarités, les deux labels ont une histoire différente. Lors de sa conception, le FSC concernait surtout les grandes concessions de plusieurs millions d’hectares dans les zones tropicales, où le risque de déforestation était élevé. De son côté, le PEFC se focalisait plus sur les forêts européennes, plus morcelées, et rassemblait plusieurs propriétaires sous une certification groupée, moins couteuse et plus facile à mettre en œuvre qu’une certification individuelle. Cependant, « le PEFC et le FSC ont fort évolué en 20 ans », souligne Samuel Oldenhove, directeur général chez PEFC Belgium, « nous sommes devenus relativement similaires du point de vue des performances ».

Néanmoins, de nombreuses associations environnementales disent préférer les exigences du FSC, notamment Greenpeace et le WWF, membres fondateurs du label.

Philippe Verbelen, forest campaigner chez Greenpeace, précise : « le FSC apporte une certaine valeur ajoutée à la sylviculture puisque les normes de certifications sont plus exigeantes que les réglementations régionales ».

Au total, plus de la moitié de la surface forestière de Belgique bénéficie d’un des deux labels aujourd’hui, une grande partie de ces zones forestières appartenant au domaine public. Le morcellement de la forêt privée entre de multiples propriétaires empêche une certification intégrale du territoire national. En effet, se former et se convertir à la sylviculture durable demande du temps et de l’argent, un peu comme une conversion au bio pour les agriculteurs conventionnels. Cela dissuaderait certains exploitants privés, qui ne bénéficieraient pas des mêmes ressources financières que celles de l’Etat par exemple: « Vous savez, la loi est la loi, mais une certification est basée sur un système volontaire », explique Philippe Verbelen, « si vous êtes un propriétaire forestier privé, vous faire certifier va dépendre seulement de votre motivation ». Et gagner la motivation de tous ces propriétaires s’avère être un défi de taille.

QUELLES SONT LES LIMITES DE CES ÉCOLABELS FORESTIERS ?

Les préoccupations au sujet du PEFC et du FSC concernent surtout la concrétisation des  indicateurs de gestion forestière durable. Lors de la conception de ces indicateurs, tous les acteurs de la forêt ont en général leur mot à dire. Il y a donc une représentation équilibrée des intérêts sociaux, économiques et environnementaux. Par exemple, cinq chambres composent l’association PEFC en Belgique – les propriétaires et gestionnaires forestiers, l’industrie du bois, les scientifiques, les organisations environnementales et les usagers de la forêt – et chaque décision fait l’objet d’un consensus entre ces différentes chambres. De même, les membres du FSC sont répartis dans trois chambres – les chambres sociale, économique et environnementale – qui ont chacune le même pouvoir de décision. C’est la mise en pratique des critères de durabilité sur le terrain qui pose parfois des difficultés.

Le système de certification FSC, pourtant considéré comme le plus ambitieux au monde par Greenpeace, soulève en effet des inquiétudes.

Perrine Fournier, experte en gouvernance forestière en Asie du Sud-Est chez Fern, précise : « certains défis comprennent les conflits d’intérêts des vérificateurs qui sont payés par les entreprises elles-mêmes pour procéder à leur évaluation ».

Ce manque d’indépendance financière pousse certains auditeurs à faire certifier des forêts qui ne respectent pas les principes du FSC, particulièrement dans les pays où le risque de corruption est élevé. Ainsi, une récente enquête menée par l’ONG britannique Earthsight [2] démontre que le FSC certifie du bois en provenance de zones à haute valeur de conservation dans la région des Carpates en Ukraine. Or, là-bas, les forêts sont détruites, souvent de manière illégale, afin de fournir un célèbre fabricant de meubles en bois bon marché. Face à ces critiques, FSC insiste sur la fiabilité de son mécanisme de double contrôle. « Les organismes de certification sont eux-mêmes audités par un organisme au niveau international », commente Stephan Justin, coordinateur de projets chez FSC Belgium, « ce qui permet de vérifier si les audits sont faits correctement ».

Philippe Verbelen soulève un autre problème autour de logo Source Mixte FSC. En effet,  cette mention indique un mélange de bois certifié respectant tous les critères, avec une catégorie inférieure de certification nommée « bois contrôlé ». Et il y a beaucoup d’incertitudes au sujet de ce bois contrôlé car souvent car « souvent ce bois ne respecte pas les exigences du label ». Pour Stephan Justin, tolérer ce type de bois encourage certaines filières à s’impliquer plus activement dans la certification FSC. « Le bois contrôlé répond à un minimum d’exigences », ajoute-t-il, « il ne peut pas provenir de zones de conflit ou de zones à haute valeur de conservation par exemple ».

En 2018, Greenpeace International a décidé de se retirer de FSC, après des années de présence au Conseil d’Administration. Philippe Verbelen : « Il y avait en effet de nombreuses raisons pour lesquelles Greenpeace international a quitté le FSC mais une raison importante est le fait que le FSC continue à certifier des opérations forestières impliquées dans la dégradation de paysages forestiers intacts et à très grande échelle. Ce n’est pas acceptable pour Greenpeace ». La lutte continue néanmoins. L’ONG compte continuer à faire pression sur le FSC pour qu’il respecte ses propres principes et pour plus de transparence et de proactivité dans les audits.

EN ATTENDANT, QUELLES OPTIONS RESTE-T-IL AU CONSOMMATEUR QUI DÉSIRE UTILISER DES PRODUITS FORESTIERS ?

Le bois demeure le produit renouvelable et recyclable par excellence, il est donc à privilégier à d’autres matériaux qui ont un bilan écologique et social plus lourd. Néanmoins, Greenpeace recommande aux consommateurs de hiérarchiser leurs décisions. Tout d’abord, réduire sa consommation en bois est essentiel dans la lutte contre la déforestation. Si vraiment le besoin d’acheter un meuble ou du papier se fait sentir, alors acheter en seconde-main ou recyclé est la meilleure solution. Pour le consommateur qui désire tout de même acheter un produit en bois frais, les labels PEFC et FSC peuvent être de bons indicateurs, mais il faut toutefois rester vigilant. Particulièrement dans les régions tropicales et dans des pays avec une gouvernance plus faible où le risque de corruption est élevé, comme dans le bassin du Congo, le FSC certifierait parfois des exploitations forestières qui opèrent au sein de zones à haute valeur écologique, où vivent bien souvent des populations indigènes [4]. A l’inverse, le bois local – que ce soit de Belgique, d’Allemagne ou du Luxembourg, etc. – provient en général d’opérations forestières qui respectent les critères établis par les organismes de certification internationaux. De plus, acheter local réduira toujours votre empreinte carbone, car moins de déplacement égal moins de pollution !

Article rédigé par Chems Deaibes

[1] En Belgique : Société Royale Forestière de Belgique, SGS, Control Union, IMO Control, etc.

SOURCES

[1] Eartsight,Flatpacked forests,2020, www.earthsight.org.uk/investigations/flatpacked-forests

[2] EARTHSIGHT, flatpacked forests, 2020, www.earthsight.org.uk/investigations/flatpacked-forests

[3]SCIENCE Advances, The last frontiers of wilderness: tracking loss of intact forest landscapes from 2000 to 2013, 2017. www.advances.sciencemag.org/content/3/1/e1600821