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28 octobre 2018

Les priorités de la Décennie de l’agriculture familiale

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Entretiens avec Ibrahima Coulibaly et Auxtin Ortiz

Les enjeux de la Décennie 2019 – 2028 proclamée par les Nations unies seront de réussir la transformation des agricultures familiales et de changer de modèles grâce à la participation des jeunes paysans et paysannes. Pour son édition annuelle 2018 – 2019, Défis Sud a recueilli les opinions d’Ibrahima Coulibaly du ROPPA (Réseau des organisations paysannes professionnelles d’Afrique de l’Ouest) et d’Auxtin Ortiz du Forum rural mondial.

Quatre ans après l’Année internationale de l’agriculture familiale, où en est-on?

Lorsque l’Année internationale a été proclamée en 2014, explique Ibrahima Coulibaly, nous vivions dans un contexte où les décideurs mettaient la place et le rôle des agricultures familiales en doute. Il fallait remobiliser les forces pour prouver leur pertinence. Depuis lors, les décideurs ont fait quelques promesses et déclarations de principes et nous ont sommé de transformer nos agricultures familiales en restant assez flou sur ce que signifient ces transformations. Comment transformer des agricultures familiales qui recouvrent des réalités différentes ? Heureusement, du côté des Nations unies, l’objectif n’est pas de défendre un agrobusiness camouflé derrière le vocable d’agriculture familiale. Nos agricultures sont à la fois dynamiques et ancrées dans la tradition. Elles valorisent et commercialisent nos produits. Elles prouvent que les petits producteurs sont les premiers investisseurs en agriculture »

« En 2014, des recherches ont été menées sur les caractéristiques des agricultures familiales », explique Auxtin Ortiz (…)  « des recherches sur les liens entre la famille et la terre, le travail des membres de la famille dans l’exploitation, les façons de travailler, les différentes conceptions de la famille, les pratiques agroécologiques, les composantes environnementales, culturelles et sociales (…) Il faut démontrer que les agricultures familiales sont différentes et efficaces».

Quelles devraient être les priorités de la Décennie de l’agriculture familiale ?

Pour Auxtin Ortiz, « la Décennie constitue une opportunité de démontrer que les agricultures familiales ne sont pas un secteur privé comme les autres où la compétition domine. C’est un système privé essentiellement coopératif, car face à la réalité des marchés, les agriculteurs familiaux ne peuvent s’en sortir seuls, ils doivent s’associer à d’autres collègues agriculteurs. Ils ont un grand besoin de faire ensemble. Dans ce cadre, un objectif important est de mener un plaidoyer en faveur du financement de l’agriculture et de l’accès des paysans aux financements. »

Les Objectifs du développement durable (ODD) et particulièrement le second (ODD2) qui vise à éliminer la faim, à assurer la sécurité alimentaire, à améliorer la nutrition et à promouvoir l’agriculture durable, «doivent permettre de consolider ce combat, et de veiller à ce que les multinationales de l’agrobusiness et les gouvernements qui les soutiennent n’instrumentalisent pas les agricultures familiales et l’agroécologie pour en faire des concepts vides facilement récupérables», conclut Auxtin Ortiz.

Pour Ibrahima Coulibaly, « Il faut continuer à argumenter, à faire des travaux de recherche, pour montrer la pertinence des agricultures familiales. Nos gouvernements doivent prendre leurs responsabilités et investir de l’argent public dans la paysannerie. Et les produits de l’agriculture familiale doivent être vendus à des prix équitables sur nos marchés. Ce sont nos paysans qui représentent le secteur privé. Je n’ai jamais rencontré un paysan qui a fait vœu de pauvreté. Pourquoi irait-on chercher d’autres acteurs soi-disant « du privé » à qui on donne de l’argent pour accomplir le travail que des paysans peuvent faire ? Les discours à propos des partenaires publics-privés avec les multinationales sont une escroquerie. »

Les entretiens complets dans l’édition annuelle de Défis Sud :

Ibrahima Coulibaly : Nos gouvernements doivent financer les agricultures familiales.

Propos recueillis par Pierre Coopman

Dessins : Philippe de Kemmeter