13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite4 août 2018
L’agriculture est sans aucun doute le secteur économique qui mobilise le plus de soutien public. Que ce soit les pays européens, avec la Politique Agricole Commune (PAC), les États-Unis, avec la Farm Bill, le Japon, la Chine, ou encore l’Indonésie et le Brésil… qu’ils soient membres des pays de l’OCDE ou des pays émergents, tous les pays enregistrant un développement significatif encouragent de façon importante leur secteur agricole, et ce de diverses manières.
Rien que les pays de l’OCDE , ces 20 dernières années (1997-2016), ont accordé près de 5500 milliards $US à leur secteur agricole. En complément et sur la même période, 4 des pays émergents (Brésil, Russie, Chine et Afrique du Sud) ont alloué près de 2000 milliards $US à ce même secteur. Et on notera que, pour ces pays, ce soutien a plus que doublé depuis la crise alimentaire de 2008.
Qu’en est-il du soutien au secteur agricole dans les pays les moins avancés (PMA), encore fortement ancrés dans le secteur agricole ? Leurs budgets publics, en l’absence de ressources fiscales propres, dépendent quasi exclusivement des dotations des pays riches. En se rapportant aux statistiques de l’OCDE , sur cette même période s’étendant de 1997 à 2016, les pays membres de cette institution n’ont accordé que 116 milliards $US au secteur agricole (inclus dans le secteur « production » des statistiques) des pays moins avancés, et ce compris le financement des structures publiques relatives au secteur agricole (ministères, agences, …). Il est évidement impossible de déterminer ce qui revient réellement au soutien de la production agricole et des producteurs dans ces 116 milliards. Mais sachant que dans les PMA, la proportion de la population active est très largement concentrée dans le secteur agricole, on se rend facilement compte, même si on ajoute les interventions des agences multilatérales, de la faiblesse structurelle (la crise alimentaire de 2008 n’a guère fait évoluer les montants consacrés à l’agriculture) de l’aide au secteur agricole dans ces pays par rapport au soutien accordé par les pays riches à ce même secteur (en réalité, moins de 2% du soutien des pays riches à leur propre agriculture).
Alors qu’une recherche récente de la Fondation Farm évaluait les aides reçues par les agriculteurs des pays riches à près de 20% de la valeur de leur production et, selon une autre source, jusqu’à 47% des revenus des agriculteurs d’un pays comme la France , on constate que les aides publiques au secteur agricole des PMA se focalisent sur les investissements en infrastructures (routes, usines de transformation, installations de stockage) ou de grandes exploitations agro-industrielles. Que reste-t-il dès lors pour les producteurs ? Le financement de quelques intrants, des réductions de taux d’intérêt pour de petits investissements… quasiment rien en regard des besoins énormes requis par la transformation de leur secteur agricole.
Les disparités entre les soutiens des agriculteurs des pays riches et des PMA sont, scandaleusement criantes. Pourtant ce sont les soutiens à ces derniers qui sont conditionnés, accordés sous réserve d’« autonomisation » prochaine des producteurs, remis en cause pour distorsion de marché.
Tous les pays occidentaux, ainsi que les pays émergents ont bâti leur croissance sur un secteur agricole fort, largement soutenu par des financements publics.
La question posée par les organisations paysannes des PMA est vraiment pertinente : « Veut-on réellement le développement de nos pays et singulièrement de notre secteur agricole ? ». Au vu des chiffres repris ici, on est en droit de se poser la question.
Jean-Jacques Grodent