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3 décembre 2025
Plusieurs décennies après la création des restos du cœur et du fonds européen d’aide aux plus démunis, l’aide alimentaire belge fête sa quarantaine dans une ambiance morose. Prise en étau entre la baisse de financement d’un côté et une demande en constante augmentation de l’autre, l’aide alimentaire fait face à un défi supplémentaire : celui de la santé. Car nombreux et nombreuses sont les bénéficiaires qui, contraints de se nourrir exclusivement de pâtes et de boites de conserve, se retrouvent atteints de carences nutritives, diabètes et problèmes cardiovasculaires. Différentes associations entament alors une réflexion importante : comment offrir une alimentation de qualité pour toutes et tous ?
En Belgique, on estime que plus de 600 000 personnes bénéficient de l’aide alimentaire, dont 100 000 dans la région de Bruxelles, et 67% de ces bénéficiaires sont des femmes. Pour beaucoup de foyers, cette aide reçue par le biais de colis, d’épiceries, de restos et de frigos solidaires est d’une nécessité absolue. Et depuis la crise du COVID-19, les demandes ont explosé. Pourtant, alors que la précarité et les demandes augmentent, le soutien fédéral, lui, est sans cesse revu à la baisse. En 2026, le budget fédéral prévoit de diminuer de plus de 40% le financement public de l’aide alimentaire, passant ainsi de 40 à 15 millions d’euros – et ce alors que les réformes récentes excluent des dizaines de milliers de personnes du chômage et les plongent dans la précarité. Or, derrière ces chiffres se cache une réalité douloureuse, où familles, étudiant.e.s et personnes précarisées se serrent la ceinture.
Comme l’explique Brigitte Grisar, coordinatrice de l’aide alimentaire à la Fédération des Services Sociaux (FDSS), « avec l’inflation, la précarisation des politiques sociales et le coût grimpant de l’énergie et du loyer, l’alimentation devient la seule variable d’ajustement une fois les factures payées ». Il n’est ainsi pas rare chez les bénéficiaires de sauter un repas, car l’aide apportée n’est pas suffisante pour couvrir tous les besoins. En 2024, une enquête de la Fédération Française des Banques Alimentaires dévoilait qu’un tiers des bénéficiaires ne mangent que deux repas par jour. Cette étude alerte également sur leur état de santé : 15% des bénéficiaires sont diabétiques (contre 5% pour la population générale) et un tiers souffrent de problèmes cardiovasculaires, de surpoids, d’obésité et d’autres carences alimentaires. Quand on se nourrit principalement de pâtes, de raviolis et de conserves, il est difficile de couvrir ses besoins en vitamines et minéraux.
Le problème, c’est que pour améliorer la qualité nutritive et gustative des denrées proposées, les associations sont tributaires des invendus de la grande distribution, des financements et des dons privés. Beaucoup d’associations peinent à joindre les deux bouts et se retrouvent contraintes de fermer leurs portes ou de refuser de nouveaux bénéficiaires. Par ailleurs, l’émergence de start-ups comme Happy Hours Market ou Too Good To Go porte un coup considérable à l’aide alimentaire. En permettant de revendre les invendus à des particuliers, ces projets de « lutte contre le gaspillage » privent en réalité de nombreux bénéficiaires d’une aide essentielle. En 2024, une enquête de la FDSS menée auprès de 157 associations belges révélait que la moitié d’entre elles ont vu leurs rentrées d’invendus diminuer entre 2023 et 2024.
Force est de le constater : les campagnes nationales de nutrition ont parfois un effet culpabilisateur sur les bénéficiaires. Comment manger bio et équilibré quand on dépend des colis ? L’enjeu, explique Brigitte, est plutôt d’adopter une « posture systémique, pas moralisatrice pour créer du lien entre des mondes qui ne se connaissent pas bien ». Ainsi, à l’échelle locale, de nouvelles initiatives émergent pour pallier le manque de produits frais. À Bruxelles, l’asbl LOCO récupère les produits frais jetés par faute de chambre froide. L’association VRAC, elle, combat les inégalités des deux côtés de la chaîne alimentaire en établissant un lien entre producteur.rice.s et personnes à faible revenu, grâce à la création de groupements d’achat de produits locaux et bio dans les quartiers populaires de Bruxelles. Depuis 2023, enfin, le collectif CréaSSA lance des projets pilotes de « Sécurité Sociale de l’Alimentation » et encourage la mise en place à l’échelle fédérale de cette alternative sociale et solidaire.
Rédaction : Laetitia Deletroz (volontaire pour Humundi)
Supporterres n°34