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11 décembre 2020

Retour du fonio : les Africains se réapproprient les aliments traditionnels

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Malgré les indépendances, le modèle agricole des anciens empires coloniaux persiste encore dans de nombreux pays d’Afrique. Celui-ci se reflète dans les habitudes de consommation, en particulier dans les centres urbains où le riz et le blé importés prédominent. Revaloriser les céréales traditionnelles représente un véritable enjeu culturel, environnemental, économique et de souveraineté alimentaire. En Afrique de l’Ouest, la filière du fonio se structure pour répondre à ce quadruple enjeu.

Longtemps considéré comme « l’aliment du pauvre », le fonio, céréale millénaire d’Afrique de l’Ouest, a bien failli disparaître. Pourtant appréciée pour ses qualités gustatives et nutritionnelles, c’est surtout la pénibilité des opérations de transformation, en particulier le décorticage de ses minuscules grains, qui a conduit à la marginalisation de cette céréale.

Mais au début des années 2000, un projet collectif entre plusieurs instituts de recherche – IRAG en Guinée, IER au Mali, IRSAT au Burkina Faso et CIRAD en France – a débouché sur la conception d’une décortiqueuse adaptée à la taille de la céréale. Nommée  décortiqueuse « GMBF » en souvenir de cette collaboration, cette machine permet de décortiquer 100 kg de fonio en une heure, contre 1 à 3 kg manuellement. Grâce à la mécanisation de cette opération, la production de fonio a connu un regain d’intérêt chez les paysans africains, d’autant plus que cette céréale, très tolérante à la sécheresse, est bien adaptée aux conditions climatiques locales.

En parallèle, les femmes transformatrices ont développé une offre de fonio prêt à l’emploi, dans des formats adaptés, visant à satisfaire les attentes des consommateurs urbains : fonio cru pour la préparation de couscous et de bouillie pour enfants, fonio précuit, farine de fonio pour la préparation du tô (pâte), de crêpes, de pain… Résultat, la filière fonio  redécolle en Afrique de l’Ouest : en vingt ans, la production y a doublé, passant de 300 000 tonnes par an en 2000 à plus de 600 000 tonnes en 2018.

Les exportations vers les pays occidentaux restent marginales, c’est davantage un commerce équitable Sud-Sud qui tend à se développer avec, à la clef, l’augmentation des revenus tout au long de la filière et un produit de qualité accessible aux consommateurs. Cerise sur le gâteau, la filière fonio est entre les mains des acteurs locaux : même la décortiqueuse GMBF est aujourd’hui fabriquée localement par les artisans africains et commercialisée dans toute l’Afrique de l’Ouest.

Rédactrice : Mathilde Calmels

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Lire le numéro complet du Supporterres n°14 « 60 ans de (dé)colonisation? »