Agir avec nous

image
Nos articles > Sénégal : des nouvelles du terrain

8 février 2021

Sénégal : des nouvelles du terrain

icone

Depuis Mars 2020, début de la pandémie du COVID-19 et annonce des mesures sanitaires par les gouvernements, nos échanges avec nos partenaires locaux se sont limités à des rencontres virtuelles. Pour la première fois depuis bientôt un an, Dominique Morel, responsable des partenariats au Sénégal chez SOS Faim, a profité d’un ralentissement de l’épidémie pour se rendre sur le terrain en octobre 2020.

Au Sénégal, le gouvernement a décidé de vivre avec le coronavirus. Il faut dire que le pays recense un très faible nombre de cas: 3 à 10 cas révélés positifs par jour et moins de 600 personnes sont décédées depuis le début de la pandémie. En revanche, à l’heure où nous rédigeons ces lignes, l’Afrique de l’Ouest doit faire face à une seconde vague, même si celle-ci n’a rien de comparable avec la recrudescence du nombre de malades en Europe et les restrictions sanitaires que nous connaissons.

Covid-19 : les organisations paysannes en première ligne ? 

Dominique nous explique que, pour faire face à la première vague du Covid-19, « les ONG locales et les organisations de la société civile se sont mobilisées pour enquêter afin de savoir comment les gens, notamment les paysans et les paysannes, avaient été impactés par les mesures. Ensuite, les organisations paysannes et de la société civile se sont mises en première ligne vis-à-vis de l’État sénégalais pour faire passer des aides et transmettre des recommandations. Elles ont identifié les familles les plus vulnérables, ayant un vrai besoin de soutien, et leur ont ensuite facilité l’approvisionnement en aliments de première nécessité ou en kits sanitaires. »

En fait, la première difficulté à laquelle ont été confrontés les producteurs c’est l’impossibilité de vendre ou d’acheter des produits sur le marché (maraîchage, riz, semences, etc.) puisque les transports étaient très limités et les « loumas » (marchés hebdomadaires) fermés.

En temps normal, les habitants de tous les villages avoisinants s’y rassemblent pour acheter, vendre, échanger et discuter. Comme nous l’explique Dominique: « ces restrictions ont causé un problème d’approvisionnement en produits de base. Mais les choses se sont réglées assez vite et cette situation a rapidement été résolue puisque dès le mois de juin, tout fonctionnait de nouveau normalement. L’impact n’a pas été aussi important qu’on aurait pu le penser au début même si énormément de familles ont passé difficilement cette période de soudure ».

Consommer le lait local : un grand défi Sénégalais

FS 17 01 SOSF 89 665x1000 1 - : Sénégal : des nouvelles du terrain
© Struzik François

Cette mission était l’occasion pour Dominique de lancer un nouveau projet de soutien aux producteurs et productrices de lait local.

La production laitière est un enjeu très important en Afrique de l’Ouest. Comme l’a dénoncé notre campagne « N’exportons pas nos problèmes », la filière de lait local est en concurrence avec des poudres de lait ré-engraissées à l’huile de palme en provenance majoritairement d’Europe et vendues moins chères que le lait local. Les éleveurs locaux peinent à rivaliser avec ces importations européennes.

SOS Faim n’agit pas seulement au niveau politique, mais aussi concrètement sur le terrain avec ce projet d’accompagnement et de soutien aux producteurs et transformateurs de lait local mené par notre partenaire local ADID, organisation de familles d’éleveurs de la zone de Dhara qui a créé depuis les années 2000, une mini laiterie afin de transformer et commercialiser le lait de ses membres.

Comme le souligne Dominique, le premier objectif de l’ADID est d’agir sur la faible production de lait de vache. Il est essentiel pour les producteurs et les productrices d’améliorer leur capacité à nourrir correctement les animaux afin de produire de façon plus régulière. En effet, la production de lait est actuellement saisonnière, de juillet à février, mais de mars à juin, les capacités de la laiterie sont exploitées seulement à 10 %.

Dominique : « Nous sommes allés au centre de collecte à Yang Yang. De façon très traditionnelle, chaque femme trait selon ses possibilités, une à trois vaches et amène sa production au centre de collecte. Nous voulons faire évoluer les choses autour de l’alimentation animale et de la traite afin de parvenir d’ici trois ans, à une amélioration de l’approvisionnement de la laiterie. Pour ce faire, nous allons mettre en place des périmètres de cultures fourragères. C’est une innovation importante dans l’idée d’améliorer l’alimentation des animaux afin qu’ils produisent un peu plus si c’est possible, mais surtout qu’ils produisent du lait de façon plus régulière et tout au long de l’année. »

FS 17 01 SOSF 80 1000x665 1 - : Sénégal : des nouvelles du terrain
© Struzik François

Des perspectives positives

À Fatick, région touchée par la pauvreté et l’insécurité alimentaire, SOS Faim et ses partenaires mettent en place des innovations importantes au niveau des pratiques de cultures fourragères qui sont destinées à l’alimentation des chèvres d’élevage.

123607276 273721804042264 474247710725111661 n 1000x748 1 - : Sénégal : des nouvelles du terrain

Ces innovations visent à limiter la divagation du bétail et à augmenter la production laitière des chèvres. Une dizaine de productrices ont ainsi développé une parcelle fourragère en agroforesterie et peuvent ainsi faire des réserves pour l’alimentation de leurs animaux en période de saison sèche. À cette innovation, doit s’ajouter un travail d’amélioration de la race locale avec l’introduction de boucs au sein du noyau d’éleveurs pilotes.

Dominique nous donne d’excellentes nouvelles de ce programme : « J’ai rendu visite aux éleveuses des parcelles de l’ARECAP. C’est un groupement d’éleveurs caprins, essentiellement des femmes, accompagnées depuis plusieurs années par notre partenaire ANPDI (Association Nationale pour le Développement intégré). Les parcelles fourragères fonctionnent merveilleusement bien. C’est très beau à voir et nous devrions commencer à voir les effets sur la production laitière ». 

Le projet, jusqu’alors pilote, sera partagé à l’ensemble des éleveurs caprins qui pourront désormais s’intéresser à la génétique de leur troupeau et miser sur des chèvres à haut potentiel de production comme l’explique Dominique:  « En fonction des races, comme pour les vaches ou les brebis, on en a qui produisent plus ou moins de lait. Ici, il faut donc faire en sorte d’avoir des chèvres qui tout en restant rustiques soient de bonnes productrices de lait. L’idée du projet est d’abord de maîtriser leur alimentation, gérer correctement son troupeau, pour enfin améliorer la génétique. »

FS 17 01 SOSF 2 1000x665 1 - : Sénégal : des nouvelles du terrain
© Struzik François

La filière laitière locale au Sénégal peut s’avérer très prometteuse, mais il faut aussi agir sur sa distribution et sa commercialisation. Les zones d’élevage étant reculées, il est difficile d’avoir des systèmes de collectes de lait réguliers et performants.

Qui plus est, face à la forte concurrence de toutes sortes de lait  (naturel, reconstitué, réengraissé), il est nécessaire de s’interroger sur la valorisation du lait local et de mieux réfléchir sur les cibles de consommateurs à toucher et comment les sensibiliser à l’importance de consommer du lait frais produit localement par les familles d’éleveurs. L’objectif est, par la sensibilisation des consommateurs, de modifier le besoin et donc la demande.

 Dominique: « il y a des questions économiques, mais également des habitudes de consommation. En fait, même s’il y a du lait local, les habitudes seront toujours là. Pourtant, le prix est parfois le même, mais  pour certains usages ils préféreront le lait en poudre comme par exemple pour le petit-déjeuner ou le café au lait, il s’agit vraiment d’une habitude. Ensuite, il y a aussi le fait que les gens n’ont pas la possibilité de conserver du lait au frais. »

Les nouvelles du terrain sont encourageantes et la crise du COVID-19 ne semble pas être un frein à l’évolution des différents projets. Au contraire, comme un peu partout celle-ci pourrait accentuer la prise de conscience collective des consommateurs de l’importance de soutenir ses producteurs et de consommer plus local.

Sur le même sujet :
Rencontre avec Fatou, productrice de lait au Sénégal

Regards critiques sur les enjeux et défis pour le secteur laitier sénégalais