13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite28 juin 2021
Kelle Gueye, au nord de Dakar, Sénégal. C’est là que naît, en 1987, la FAPAL (Fédération des Associations Paysannes de la région de Louga). Dans un contexte de désengagement de l’Etat, l’organisation paysanne tend la main aux producteur.trice.s : elle facilite leur accès aux semences et aux engrais et renforce leurs capacités à produire. Mais avant cela, il fallait réveiller les consciences, sensibiliser les villageois.es pour qu’ils prennent en main leur destin. La route a été longue mais la Fapal y est parvenue : le devenir du.de la paysan.ne lougatois.e de demain se dessine tout doucement. Et d’ici, la vue est plutôt encourageante.
Dans ce voyage, tout le monde a son rôle à jouer : producteur.trice.s, transformateurs, commerçants. Même les consommateurs. « La crise alimentaire de 2008 a secoué le monde » explique Ibrahima Diop, chargé de programmes à la Fapal.
« Il fallait une réflexion beaucoup plus profonde sur la problématique du consommer local. »
Ibrahima Diop
C’est ainsi que la Fapal couvre, notamment, toute la chaine de valeur du niébé : de la production à sa commercialisation.
La Fapal est présente dans cinq arrondissements et accompagne plus de 3000 membres, des femmes pour la plupart. L’organisation met à disposition des villageois.es des semences de niébé de qualité ainsi qu’une unité de fabrication et de réparation de matériel agricole. Mais ce n’est pas tout le temps facile car Louga se trouve en zone sahélienne : les terres, autrefois très prospères, sont de plus en plus pauvres. C’est d’ailleurs pourquoi SOS Faim appuie la Fapal dans le cadre d’un plan de fertilité des sols.
Un autre défi réside dans l’accès aux semences de qualité et la cherté des intrants : il s’agit souvent de petites quantités à distribuer à un grand nombre de producteurs.trices. De plus, ceux subventionnés par l’Etat n’arrivent que très tard : jusqu’à deux mois après le démarrage de la saison des pluies, ce qui complique la tâche.
Une intense collaboration entre le Conseil départemental de Louga et la Fapal a abouti à un projet structurant : une usine de transformation du niébé. « On a la confiance des autorités politiques, l’usine nous a été déléguée pour une durée de deux ans. Et on est partie prenante des actions de la Direction régionale de la sécurité alimentaire, ce sont des victoires » se réjouit Ibrahima Diop.
Actuellement, des femmes ayant suivi une formation de transformation de produits locaux sont ainsi en stage à la Fapal. Des étudiants de l’Ecole Supérieure Polytechnique y travaille aussi. C’est un travail d’équipe.
La Fapal commercialise la production de ses membres, notamment à travers des boutiques villageoises. Elle les soutient aussi dans la mise en place d’un système de warrantage, en leur accordant des crédits : « ça leur permet de pouvoir stocker leurs produits dans un magasin jusqu’à ce que le prix soit intéressant » explique Ibrahima Diop. Enfin, en appuyant les producteurs.trices sur le plan de la digitalisation, l’organisation vise à favoriser la visibilité de ces produits.
Le niébé, le mil et le sorgho sont des aliments très riches, qui pourraient faire beaucoup dans la lutte contre la malnutrition. Des séances de dégustation à base de produits locaux permettent de réconcilier la communauté avec ces aliments. Les consommateurs ont un énorme rôle à jouer.
« Quand les producteurs savent que tout ce qu’ils produisent est acheté par des locaux, ça booste la production. Et si les femmes, au marché, ne demandent que ça, les commerçants vont suivre »
Ibrahima Diop
D’après Ibrahima Diop, la promotion des produits locaux passerait aussi par les écoles, à travers des séances de sensibilisation à la citoyenneté.
Aujourd’hui la Fapal regrette, au niveau national, le manque d’une vrai volonté politique d’appuyer les exploitations familiales. « La plupart des gens préfèrent le riz importé, le pain de blé. On met des milliards dans leur importation alors qu’on dispose ici de céréales très nutritives. Notre unité de transformation céréalière fournit les enfants de 6 à 59 mois en farine enrichie. Les cellules de lutte contre la malnutrition nous font confiance ».
Sa mission pour l’avenir est donc de porter le plaidoyer au niveau du Conseil Economique Social et de l’Assemblée nationale pour qu’ils prennent des décisions politiques plus favorable à la promotion des produits locaux. Avec comme ligne d’arrivée, l’autosuffisance alimentaire, « quand chaque région saura produire en suffisance pour sa population sans recours externe ». La Fapal est tenace, elle saura faire valoir son point de vue.
Rédactrice : Dieyenaba Faye
90 tonnes de niébé, achetées à 500 producteurs dont 300 femmes.
60 tonnes de semences de qualité distribuées à 652 producteurs.trices
111 producteurs formés à la gestion administrative et financière
Cet article est tiré du Supporterres n°16 « Mieux produire, mieux se nourrir. Pour des systèmes alimentaires durables. »