13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite18 mai 2022
La perte de biodiversité sape la productivité selon le rapport de l’économiste Dasgupta paru en 2021… Mais ne serait-ce pas la productivité qui sape la biodiversité ? Au lieu de calculer comment la biodiversité alimente la prospérité économique, osons dépasser cette vision d’une biodiversité soit à exploiter, soit à protéger, en essayant d’abord de vivre avec elle respectueusement.
L’humain fait partie de la biodiversité, il n’y est pas seulement « ancré » comme l’écrit Dasgupta, il en « est » tout court. L’humain est une espèce vivante parmi les autres. Mais c’est aussi une espèce obnubilée par le contrôle de son environnement, quitte à le détruire. L’intelligence humaine permet d’innover, de réparer, ou de se donner l’illusion qu’elle répare. Mais est-ce que l’innovation technologique peut convenir en toutes circonstances ?
Qu’est-ce que l’innovation technologique ? Un processus qui mène à de nouveaux produits, adoptés sur le marché et acceptés par celleux qui les utilisent afin de créer des services nouveaux ou « améliorés ». Cela ne signifie pas que technologie et durabilité contribuent automatiquement à sauver la biodiversité. Jusqu’à présent l’innovation technologique en agriculture a principalement été tournée vers l’augmentation de la productivité et vers la diminution de la pénibilité. Le respect de l’environnement n’est apparu que bien plus tard.
La génétique et les biotechnologies sont au cœur de l’histoire des « progrès » en agriculture. Elles ont permis d’analyser les caractéristiques des espèces animales et végétales pour n’en garder que le meilleur, selon des critères dits « minutieux ».
Néanmoins, ces sélections ont plus été effectuées pour la productivité que pour la biodiversité. Pour l’élevage laitier, on a privilégié la race de bovidés qui produit les plus grandes quantités de lait, la race avec laquelle l’industrie est capable de mieux « booster » la production. Pour les végétaux, on a favorisé les variétés capables de faire les fruits les plus gros, les plus uniformes et costauds face aux aléas et aux heures de transport pour parcourir le monde. Quitte à ne proposer que quatre types de pommes sur les marchés, alors même qu’il en existe plus de 1000…
Voilà ce qui s’appelle clairement une perte de biodiversité. Les variétés locales, plus spécifiques, ont été rapidement doublées par les variétés homogènes à gros rendement. Le rapport de 2020 de l’organisme Greniers d’Abondance nous informe que « sur 6 000 espèces végétales ayant été cultivées par l’homme, seul 9 variétés assurent aujourd’hui les deux tiers de la production mondiale » (le maïs, la noix de palme, le soja, le blé, la betterave, la pomme de terre, le riz, le manioc et la canne à sucre).
L’innovation technologique en agriculture va de pair avec le développement du numérique, qui permet d’optimiser des « opérations culturales », la conduite des troupeaux ou encore le traitement des champs par des intrants (fertilisants, pesticides, fongicides, etc.).
Toutefois, la limite des technologies numériques réside dans la difficulté de les répliquer sur différents territoires qui ont leurs spécificités et leur biodiversité. Pour contourner cette difficulté, on a souvent préféré changer les territoires, au détriment des diversités, pour les faire correspondre aux technologies. Si une innovation technologique pour désherber les champs ne peut être utilisable que sur des grandes surfaces et sur une seule variété, on favorisera la monoculture étendue sûr de nombreux hectares… au préjudice de la biodiversité. Pourtant, si la technologie veut servir à la fois l’agriculture et la biodiversité, il faut d’abord qu’elle résulte d’une bonne connaissance des spécificités et des diversités locales. Ce n’est pas forcément la voie qui a été suivie jusqu’à présent.
Prenons l’exemple du robot de traite. C’est une technologie qui permet aux éleveur.se.s de se libérer de cet tâche en laissant la machine guider les bovins vers le quai de traite, trouver elle-même les pies, les traire et ensuite les guider vers la sortie. Toutefois, pour que ce robot fonctionne les vaches doivent correspondre à un certain calibre, car leurs mamelles doivent être identifiées et saisies facilement pour en extraire le lait. C’est ainsi que l’on privilégiera une race en particulier correspondant aux fonctionnalités mécaniques.
Enfin, les technologies numériques, bien que pouvant être très utiles, demandent des investissements très élevés et des connaissances pointues. Alors, pouvons-nous vraiment compter sur celles-ci pour que chaque région rurale du monde, même la plus éloignée des villes et des centres de recherches, parvienne à produire des denrées ? Est-ce que sauver la biodiversité aux moyens de l’agriculture ne serait pas aussi imaginer une économie de moyens, afin de faire plus simple, plus sobre, moins high-tech ?
Il faut rester vigilant, car la technologie peut aussi être vectrice d’amélioration notable dans le domaine de l’agriculture. Elle a permis de faciliter des taches lourdes, de créer des réseaux, de connecter, de faciliter le partage d’informations entre différent.e.s acteur.rice.s, ou encore de produire plus rapidement. Toutefois, avant de technologiser davantage nos modèles agricoles, il faut identifier les risques encourus et veiller à ce que les technologies soient réellement adaptées aux défis actuels.
Rédaction : Adèle Funes
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