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20 octobre 2022

COP 27 : les revendications des sociétés civiles en Bolivie et en Ouganda

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iStock 1341997582 scaled 3 - Humundi : COP 27 : les revendications des sociétés civiles en Bolivie et en Ouganda
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La Conférence 2022 sur les changements climatiques, dite COP27, a lieu à Charm el-Cheikh en Egypte du 6 au 18 novembre 2022. SOS Faim a participé à la Marche pour le climat à Bruxelles, le 23 octobre. Cette marche a réclamé des mesures plus ambitieuses dans la lutte contre la crise climatique. Mais qu’en pensent les partenaires de SOS Faim en Bolivie et en Ouganda ?

SOS Faim a marché à Bruxelles sur le thème de l’agriculture et de l’alimentation. Dans le contexte de crises (Covid, Ukraine) actuel, l’urgence est à la transition vers d’autres modèles agricoles. C’est également l’avis de nombreux partenaires de SOS Faim dans des pays du Sud. L’agroécologie est une solution cruciale pour que les paysanneries s’adaptent aux changements climatiques. Les paysan.ne.s d’Afrique et d’Amérique latine craignent d’être mis sur la touche par les gouvernements lors de la COP 27 et d’être privés de financement pour le climat.

Dans ce billet, nous présentons les recommandations de deux partenaires de SOS Faim, en Ouganda (Afrique) et en Bolivie (Amérique du Sud).

La branche de l’AFSA (Alliance for Food Sovereignty in Africa) en Ouganda fait campagne pour que l’agroécologie soit au service du climat  :

Bridget Mugambe, coordinatrice des programmes de l’AFSA et responsable du groupe de travail sur le climat et l’agroécologie, dénonce l’insuffisance des moyens mis à la disposition de l’Ouganda et de l’Afrique pour lutter contre les effets du changement climatique :

Pour maintenir nos moyens de subsistance et nourrir nos communautés, nous sommes contraints de nous adapter. Pourtant, nous ne recevons que des fonds négligeables de la part de la communauté internationale. Nous appelons cette COP 27 à placer les systèmes alimentaires au centre des plans d’adaptation pour l’Afrique et à orienter le financement climatique.

En Bolivie, la Plateforme bolivienne contre le changement climatique (PBFCC), également partenaire de SOS Faim, travaille principalement sur les questions d’extractivisme, notamment en lien avec l’agriculture et les droits des populations indigènes.

Marcos Nordgren Ballivian est responsable à la PBFCC du suivi et de la participation au processus multilatéral de négociation sur le changement climatique :

Nous définissons le changement climatique comme une menace pour nos droits fondamentaux et comme une question de sécurité nationale en ce qui concerne la sécurité alimentaire, énergétique et sanitaire. En effet, en Bolivie, des maladies infectieuses comme la malaria et la dengue restent endémiques et se propagent dans les conditions climatiques actuelles. Nous voulons sensibiliser les décideurs politiques et le grand public, leur faire comprendre la nécessité de politiques publiques cohérentes en matière de climat.

Un plan agroécologique pour l’Ouganda

L’AFSA a publié une étude sur l’intégration de l’agroécologie dans le plan climat de l’Ouganda.

Ce document présente l’inclusion de l’agroécologie dans les différents plans et politiques prévus pour l’Ouganda. Il propose des approches pour guider l’intégration de l’agroécologie dans la législation et les cadres nationaux.

A partir de l’analyse du contenu des politiques et plans climatiques de l’Ouganda, on peut noter que l’agroécologie n’a pas été clairement définie et incluse. Un certain nombre d’actions de politique climatique ont été priorisées mais ne sont pas spécifiques à l’agroécologie. Dans quelques cas seulement l’agroécologie et certains de ses éléments ont été inclus.

Le changement climatique est un phénomène qui affecte divers secteurs de différentes manières. En Ouganda, l’agriculture, l’eau, l’énergie et les infrastructures sont les plus touchés.

Des pays à faible capacité d’adaptation comme l’Ouganda nécessitent un certain nombre d’appuis pour faciliter un développement résilient au climat. L’agriculture fait vivre plus de 68 % de la population ougandaise, qui en dépend directement ou indirectement.

L’Ouganda produit une très faible quantité d’émissions de gaz à effet de serre estimée à 1,39 tonne d’équivalent dioxyde de carbone, ce qui est bien inférieur à la moyenne mondiale d’environ 7,99 tonnes de dioxyde de carbone.

Malgré ces faibles émissions, le pays continue de souffrir des effets négatifs du changement climatique. L’indice de risque climatique de l’Ouganda est de 74,33, ce qui le place au 69e rang sur 180 pays évalués. La plupart des régions du pays connaissent des hausses de température sans précédent, des inondations de plus en plus fréquentes, des sécheresses prolongées, en particulier dans les zones rurales. On observe également des glissements de terrain et des coulées de boue dans les zones montagneuses, le mont Elgon et la chaîne du Rwenzori.

Des options prioritaires sont recommandées par l’AFSA pour l’Ouganda :

Les investissements dans la recherche sur les approches agroécologiques doivent être intensifiés, et des actions transdisciplinaires et participatives doivent être menées pour favoriser la co-création et la dissémination. Les campagnes de sensibilisation à l’importance des pratiques agroécologiques doivent être renforcées auprès de tous les acteurs clés.

Pour faire passer l’agroécologie au niveau supérieur, une solide structure de gouvernance est essentielle. Les lois, les règlements, les campagnes de sensibilisation et incitations fiscales font toutes partie d’un cadre qui devrait s’appliquer à différents secteurs et intégrer l’ensemble de la chaîne de valeur. Des fonds doivent être mobilisés en faveur des communautés, des organisations et des ministères pour permettre la transition vers l’agroécologie.

Enfin, un mécanisme de suivi doit être mis en place, afin de maintenir la pertinence des pratiques agroécologiques pour l’action climatique. Les évaluations doivent être réalisées à la fois au niveau national et au niveau des communautés locales

Proposition d’une nouvelle politique climatique bolivienne

Dans le but de souligner l’urgence et dans le sens de contribuer au débat national, la Plate-forme bolivienne contre le changement climatique présente un diagnostic des politiques climatiques menées par la Bolivie.

En Bolivie, le pari agro-extractiviste des gouvernements succesifs n’a jamais cessé, sans réfléchir au scénario complexe et multiple de la crise socio-environnementale et économique. La menace d’un effondrement de l’économie du pays est particulièrement inquiétante et immédiate.

L’approvisionnement en eau va manquer si le pays n’opte pas pour des transformations socio-économiques drastiques dans les dix prochaines années.

Pour cela, l’Etat bolivien doit de toute urgence avoir des plans de développement nationaux pour préparer les Boliviens à un certain niveau d’impacts.

L’extraction des énergies fossiles et l’avancée des modèles agro-extractivistes ont des effets graves sur la forêt amazonienne et sur les écosystèmes de la Bolivie. Le temps est venu de prendre en compte les connaissances de nombreux peuples indigènes de la Bolivie. De la capacité à le faire dépend de l’avenir du pays.

La Plateforme bolivienne propose une politique climatique nationale renouvelée qui puisse être utilisée par les futurs gouvernements et les organisations de la société civile, afin qu’il soit possible d’engager un débat plus informé et constructif entre les différents niveaux de gouvernement.

Un élément central de cette proposition de politique climatique est l’engagement en faveur d’un véritable développement rural en Bolivie grâce à l’investissement énergique de ressources publiques dans la viabilité d’une économie forestière. Il est préconisé de prioriser l’investissement public dans l’agriculture indigène et paysanne à petite échelle en mettant l’accent sur l’expansion des systèmes d’irrigation. Afin de dynamiser les économies rurales, la Plateforme bolivienne propose entre autres que les acteurs communautaires des zones rurales soient des fournisseurs de sources d’énergie alternatives pour les zones urbaines.

Mais les propositions de la Plateforme ne peuvent être considérée indépendamment d’un changement de cap de l’Etat bolivien.

Bien que la Bolivie ait besoin d’exporter ses ressources énergétiques, elle doit le faire sur la base d’alternatives de production durables qui lui permettent d’atteindre les objectifs de l’Agenda du développement durable des Nations unies.

En ce sens, il est recommandé à la Bolivie d’investir dans d’autres formes de production qui favorisent les énergies durables, de diversifier l’économie et de promouvoir l’utilisation des énergies renouvelables.

L’Agenda du développement durable ne présente pas seulement des avantages en termes d’amélioration de la biodiversité, de la protection des cycles de l’eau et de  préservation des écosystèmes. Il a aussi les avantages en termes de réduction de l’extrême pauvreté.

L’Etat bolivien doit prendre en compte les potentialités locales dans le secteur de l’agriculture, de l’élevage de la production de bétail et de l’agriculture où l’expansion proposée du modèle agro-industriel suscite une forte remise en cause dans les régions dont la production familiale et forestière est menacée.

Mais la décentralisation et la régionalisation sont également hautement nécessaires pour une planification plus rationnelle de la conservation des zones en question, la conservation des espaces naturels, la diversification de la matrice énergétique, la gestion de l’eau, ou encore l’éducation pour la gestion de l’eau et même l’éducation au changement climatique. Cette plus grande prise en compte des besoins et des potentiels ne peut se faire qu’avec une plus grande participation de la population locale et avec un réel engagement de la part des autorités locales.

En Bolivie, des niveaux élevés d’illégalité persistent dans les activités à fort impact environnemental, tels que l’exploitation minière, l’abattage et la déforestation. Face à ce modèle défaillant, la Plateforme propose une transition vers un modèle où l’État joue un rôle de facilitateur.

Les femmes paysannes et indigènes boliviennes sont également les premières victimes du réchauffement climatique, alors qu’elles sont souvent les mieux à même de mettre en œuvre des actions d’atténuation et d’adaptation. Dans ce sens, il est essentiel que la Bolivie renforce les politiques visant à réduire les inégalités de genre encore très importantes dans le pays.

Lors de la précédente COP 26, la Bolivie s’est d’ailleurs engagée à promouvoir le leadership des femmes, en particulier des femmes autochtones, afro-boliviennes, communautaires et rurales, en les faisant participer à des projets de développement durable.

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