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29 avril 2020

Des campagnes africaines modifiées par le Covid-19

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La pandémie a des effets secondaires sur les migrations rurales, la pêche et l’élevage en Afrique. Le débat sur la responsabilité de l’agro-industrie mérite d’être relancé.

Le Covid-19 a généralement limité le déplacement des populations rurales en Afrique. Mais les restrictions de déplacements varient en fonction des pays. Dans le cas de l’Éthiopie, la pandémie a déjà inversé le rapport urbain-rural.

Les migrations rurales

Un certain nombre de jeunes gens gagnent leur vie en migrant des zones rurales vers les principaux centres urbains à la recherche d’un travail journalier.  En moins d’un mois de blocage partiel des activités dans les zones urbaines, en particulier à Addis-Abeba, la majorité de ces travailleurs journaliers, en particulier les jeunes, ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins et ont commencé à retourner dans les campagnes.

Au Sénégal, le milieu rural est caractérisé par le phénomène de l’exode rural qui concourt à la perte de main-d’œuvre des exploitations agricoles familiales. Si l’exode rural avait déjà affaibli les capacités productrices des populations rurales, leur situation s’est dégradée avec les effets induits par le Covid-19, notamment la restriction des déplacements et la fermeture des commerces qui entrainent une pénurie de certains produits alimentaires et réduisent les revenus des ménages.

Selon le GERAD (1), la propagation du virus dans des villes africaines surpeuplées montre l’importance d’enrayer l’exode rural par la dotation de moyens techniques et financiers pour l’amélioration de la production agricole et de l’emploi rural. Cette démarche doit permettre de moins dépendre des importations de produits alimentaires en provenance des pays du Nord.

Le pêche et l’élevage

La pêche et l’élevage, au Sénégal, sont sous la menace des incidences négatives de la crise sanitaire du Covid-19, explique le GERAD. La commercialisation des produits halieutiques est en baisse en raison principalement de la chute de revenus des ménages induite par les pertes d’emplois. Aux difficultés de maintenir la disponibilité des produits de consommation issus de la pêche et de l’élevage, s’ajoute le défi de leur conservation qui nécessite des dépenses supplémentaires.

Le secteur de l’élevage est durement impacté par le Covid-19. Au Sénégal, « les éleveurs sont touchés par la fermeture des marchés de bétail qui généraient des revenus importants (…) les transactions commerciales lors des marchés hebdomadaires de vente de bétail contribuent de manière significative à l’amélioration du chiffre d’affaires des éleveurs (….) Les dépenses sont plus difficiles à supporter pour l’alimentation du bétail. L’interdiction des cérémonies familiales et religieuses, grandes consommatrices de bétail, n’est pas sans impacts négatifs sur le secteur de l’élevage. »

Le danger des zoonoses

Par ailleurs l’élevage est une fois de plus mis sur la sellette, les maladies qui se transmettent entre les animaux et les humains, appelées zoonoses, étant de plus en plus fréquentes. Comme le rappelait récemment l’ONG Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF), la pandémie Covid-19 montre que la santé humaine et la santé animale sont interdépendantes et liées à la santé des écosystèmes dans lesquels elles existent.

Ce sont donc les limites de la production agricole marquée par des tentatives de développement des agro-industries conventionnelles qu’il faut interroger. L’exploitation de grandes surfaces de culture par les agro-industries remet en cause le caractère durable de cette activité. AVSF rappelle que « l’agriculture intensive ou industrielle est souvent présentée comme la solution pour nourrir la population mondiale croissante, mais elle entraîne une perte globale de biodiversité, la contamination des sols et de l’eau et l’émission de gaz à effet de serre. L’intensification de l’élevage augmente également le risque de transmission de maladies en raison de la proximité d’un grand nombre d’animaux dans des espaces restreints. La déforestation due à l’exploitation forestière, à l’exploitation minière, à la construction de routes et à l’urbanisation rapide entraîne la perturbation des habitats et pousse la faune sauvage à se déplacer et à se mélanger à d’autres espèces animales et aux humains, ce qui accroît le risque de propagation des agents pathogènes (…) »

Ainsi, la crise sanitaire du Covid-19 montre l’urgence de la mise en œuvre « d’une nouvelle politique agricole mettant l’accent sur la valorisation des exploitations agricoles familiales et communautaires, tout en créant les conditions de maintien de la main-d’œuvre locale tentée de plus en plus par l’aventure migratoire, régulière ou clandestine », conclut le GERAD.

Rédaction : Pierre Coopman

Cet article est réalisé par :

Défis Sud

(1) Groupe d’Etude de Recherche et d’appui au Développement (Dakar).