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Le droit à la sécurité alimentaire, l’agriculture à petite échelle et la transition vers des systèmes alimentaires durables seront des priorités de la coopération au développement belge durant cette législature [1]. Bien qu’il était déjà fait mention de la sécurité alimentaire dans les orientations des gouvernements précédents, c’est la première fois que la notion de « système alimentaire durable » apparait dans la note d’orientation.
Pour les ONG travaillant dans le domaine de l’agriculture et de la sécurité alimentaire il s’agit d’une avancée très positive.[2] Le contexte de pandémie, qui a montré les faiblesses du système alimentaire dominant, n’est surement pas étranger à l’intérêt du nouveau gouvernement pour une approche plus durable. La crise sanitaire a engendré des dérèglements des chaines d’approvisionnement internationales et a démontré la dépendance de certains États aux importations étrangères. Le travail de plaidoyer de la Coalition Contre la Faim (regroupant les ONG actives dans les domaines de l’agriculture et de la sécurité alimentaire) pour remettre les questions de sécurité alimentaire au cœur des discussions politiques depuis la dernière législature semble également avoir eu un impact sur les nouvelles orientations politiques.
Mais, plus que la déclaration gouvernementale, c’est la note de position de la nouvelle ministre de la coopération au développement, Meryame Kitir, qui contient des avancées positives. La vision politique que la ministre a présentée devant le parlement place la sécurité alimentaire et le soutien aux systèmes alimentaires au centre des préoccupations politiques :
« Une attention particulière sera accordée à l’appui aux petites exploitations agricoles, car ce sont elles qui garantissent aux communautés locales l’accès à la nourriture. ».
La ministre va encore plus loin et explique vouloir investir dans l’agroécologie afin de «mettre en place des systèmes durables qui permettent aux populations en croissance rapide de nos pays partenaires et de leurs villes d’être approvisionnées en denrées alimentaires suffisantes et de qualité sans répercussions négatives sur l’environnement et le climat ». Il s’agit d’une grande première pour la Belgique, dont les programmes de gouvernement précédents ne faisaient nullement allusion à l’agroécologie. Une étude sur la part de l’aide publique allouée à l’agroécologie, dans le cadre de la campagne Yes2argocology, constatait d’ailleurs que « la coopération belge au développement consacre seulement 16% de son budget dédié à l’agriculture au soutien de l’agroécologie ».[3]
Comme lors de la précédente législature, l’appui au secteur privé et les partenariats avec celui-ci restent d’actualité. La banque belge d’investissement pour les pays en développement (BIO) reste l’acteur central pour ces investissements dans le secteur privé. La ministre rappelle néanmoins que :
« BIO doit investir dans des entreprises qui versent des salaires décents, offrent un accès à la protection sociale, interdisent la discrimination, paient leurs impôts et pour qui le respect de l’environnement est une priorité » et qu’un intérêt spécifique doit être accordée au « monitoring et à l’évaluation des effets du développement ».
Enfin, la notion de cohérence des politiques semble également importante pour la ministre qui explique qu’« il ne sert à rien d’aider les agriculteur·rices locaux·ales à devenir autonomes si la politique commerciale menée annihile tous ces efforts ». Elle fait référence aux incohérences qui peuvent exister entre nos politiques de développement, soutenant les producteurs, et nos politiques commerciales qui fragilisent les agricultures de petites échelles. Pour assurer cette cohérence, le gouvernement s’engage entre autres « à activer un organe de concertation interministériel ».
Bien que mentionnant de nombreuses avancées positives par rapport à la politique du gouvernement précédent : l’attention aux systèmes alimentaires et à la sécurité alimentaire, les promesses d’investissements dans l’agroécologie, la volonté d’encadrer davantage les partenariats avec le secteur privé ou encore l’engagement à renforcer la cohérence des politiques, la vision de la coopération présentée par la ministre ne constitue pour le moment qu’une déclaration d’intention et on trouve peu d’information sur comment elle entend traduire sa vision en actions concrètes.
SOS Faim et les ONG actives dans la sécurité alimentaire et l’agriculture se réjouissent de la réorientation de la politique de coopération et veilleront donc à ce que ces engagements positifs soient respectés et traduits en actions. Elles espèrent engager un dialogue rapidement avec la ministre afin de réfléchir ensemble à la meilleure stratégie de mise en œuvre pour une politique de coopération cohérente et efficace et resteront attentives notamment aux partenariats avec le secteur privé, à la relocalisation des systèmes alimentaires et à la cohérence avec nos politiques commerciales dans le cadre de leur travail de plaidoyer.
Rédaction : Eloïse De Keyser
Cet article est réalisé par :
[1] NOTE DE POLITIQUE GÉNÉRALE, de la ministre de la Coopération au développement, chargée des Grandes villes, 5 novembre 2020, https://diplomatie.belgium.be/sites/default/files/downloads/expose_orientation_politique_kitir_2020.pdf
[2] Accord de gouvernement, 30 septembre 2020, https://www.belgium.be/sites/default/files/Accord_de_gouvernement_2020.pdf