11 novembre 2024
Climat : les agriculteurs et agricultures des pays vulnérables paient le prix fort !
Lire la suite1 septembre 2022
L’Éthiopie est un des pays qui possèdent les taux d’insécurité alimentaire le plus élevé au monde. Pourtant, le secteur agricole occupe une place majeure de son économie, avec 32,7 % du PIB (produit intérieur brut) et 85 % des exportations, et fournit 67 % des emplois. Les terres agricoles représentent 33 % du territoire. Cependant, étant donné que le gouvernement se concentre majoritairement sur l’exportation, au détriment de l’agriculture vivrière, le pays se retrouve en proie à une famine dramatique. D’autant plus lorsque le pays se trouve dans des situations de conflits permanents.
En 60 ans, la population a quintuplé dans ce pays situé dans la Corne de l’Afrique, à l’est du continent. Il est désormais le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique. Or, plus la population augmente, plus des mesures d’expansion des terres agricoles sont adoptées. Et cela entraine une perte de biodiversité et une érosion des sols cultivables, et à terme, de mauvaises récoltes. La guerre civile qui touche le nord du pays depuis 2019 a également mis près de 40 % de la population de cette région dans une situation de famine extrême et a eu pour conséquence une flambée des prix des denrées alimentaires dans toute l’Éthiopie. Le changement climatique est également en cause. Les paysans ne peuvent désormais plus compter que sur une seule saison de pluie, au lieu de deux par le passé.
Pour répondre à cette problématique, le gouvernement encourage l’utilisation d’intrants chimiques et de semences hybrides pour certaines variétés de céréales comme le blé ou le maïs censées posséder un rendement supérieur. Toutefois, malgré ces mesures dites « modernes », l’insécurité alimentaire persiste. Et ce, justement parce que les agriculteurs se voient contraints de dépendre de quelques variétés de semences hybrides qui résistent difficilement aux conditions météorologiques incertaines ou aux maladies. Les récoltes ne parviennent alors pas à couvrir les coûts investis dans ces intrants et semences coûteux mais inefficaces, laissant les agriculteurs endettés et incapables d’accéder à la nourriture
indispensable à leur subsistance.
Pour tenter d’endiguer la famine, une dizaine de banques de semences ont vu le jour en Éthiopie ces 50 dernières années. Des milliers de semences sont stockées dans ces lieux et permettent aux agriculteurs de s’entraider en cas de mauvaises récoltes et de reconstituer le patrimoine de semences du pays. Les semences locales y sont privilégiées car les paysans ont constaté que celles-ci sont plus résistantes aux conditions climatiques.
C’est par exemple le cas du blé rouge. Cependant, ces initiatives peinent à trouver des sources de financement pour être pérennes, car les investisseurs et organismes de financement ne voient pas les bénéfices sur le long terme de la préservation des semences locales et de leur diversité. Actuellement, les banques de semences se retrouvent coincées dans un cercle vicieux de faibles investissements, revenus, profits et placements.
Face à ces enjeux, MELCA, nouveau partenaire de SOS Faim, combat l’insécurité alimentaire sur tous les fronts. Active déjà depuis 2004 dans le sud-ouest de l’Éthiopie, cette ONG met en place des projets visant entre autres à préserver la biodiversité ou encore à redynamiser les pratiques écologiques traditionnelles des communautés locales. La mission de MELCA est centrée sur la reconstitution d’écosystèmes sains, de communautés résilientes, et l’éducation des jeunes car l’organisation est convaincue que l’agroécologie est la clé pour répondre aux enjeux de la sécurité alimentaire dans les pays en développement.
SOS Faim soutient un des projets de MELCA intitulé « Favoriser la capacité de résilience des petits agriculteurs de Wolmera par la promotion de pratiques agroécologiques et l’accès au marché ». L’objectif de ce projet est de contribuer à la restauration des variétés de semences locales qui ont été abandonnées et à la réhabilitation des connaissances biologiques traditionnelles qui sont liées à ces variétés locales. Le projet se concentre également sur la reconstitution des zones dégradées par la valorisation de pratiques respectueuses de l’environnement.
Par ce projet, MELCA permet actuellement à 600 familles de paysans dans le district de Wolmera de s’engager dans des pratiques agroécologiques (accès à des intrants organiques, vermicompost, etc.), d’utiliser des semences locales plus performantes que les semences industrielles, de partager entre elles leurs bonnes pratiques, de visibiliser leur production agroécologique et de la valoriser afin qu’elle soit concurrentielle sur le marché. Leurs revenus ont ainsi déjà augmenté de 40 % depuis cet accompagnement. Ces projets ont toutefois davantage besoin du soutien financier et de la valorisation de l’État. Il est paradoxal que celui-ci persiste à subventionner les OGM, les pesticides ou encore les machines agricoles « à haut rendement » dans l’optique d’augmenter la productivité à tout prix alors que cette solution continue de se montrer inefficace. On ne peut l’ignorer, en Éthiopie, comme dans de nombreuses régions du monde, l’insécurité ne cesse d’augmenter. 826 millions de personnes souffrent toujours de la faim sur notre planète en 2022. Un chiffre plus élevé encore qu’en 2015, lorsque le Programme Alimentaire Mondial de l’ONU avait fixé l’objectif Faim Zéro pour 2030. Une chose est sûre, l’avenir de l’Éthiopie ne se trouve pas dans les avancées technologiques industrielles et il est primordial que des organisations comme MELCA existent pour montrer en quoi l’agroécologie et la petite agriculture paysanne peuvent être des solutions plus adaptées.
Rédigé par Amélie Halleux, Volontaire pour le Supporterres « Quelle modernité pour l’agriculture durable ? ».