20 décembre 2024
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Lire la suite4 juillet 2018
Om Koulsoum Sawadogo est une nouvelle collègue chez SOS Faim. Depuis notre antenne à Ouagadougou, au Burkina Faso, elle est en charge de l’appui au plaidoyer en Afrique de l’Ouest. Ses responsabilités exigent de solides doses de volonté et d’optimisme. Om Koulsoum identifie six chantiers qui évoluent positivement, même si les combats sont loin d’être terminés.
Les paysans d’Afrique de l’Ouest ont un message essentiel à transmettre : il faut soutenir financièrement l’agriculture familiale durable. Selon Om Koulsoum « les petits producteurs ont besoin d’argent pour faire face aux dépenses liées à l’achat de matériel, à la production, à la transformation et à la commercialisation. Ce n’est pas le financement de l’agro-industrie qui peut les aider. A l’initiative du ROPPA, des études sur le fonctionnement des exploitations familiales en Afrique de l’Ouest démontrent que l’agriculture familiale peut nourrir la population, protéger l’environnement et créer de l’emploi… Mais nos gouvernements ouest-africains résistent mal aux multinationales avec leurs plans à court terme. Nos Etats se laissent berner par le gain rapide, au détriment des intérêts des petits producteurs. L’expérience du coton OGM, au Burkina Faso, a montré la fragilité des solutions prônées par la multinationale Monsanto. Après dix ans d’exploitation, Monsanto a dû arrêter l’expérience à cause de la chute des revenus de la filière. Malgré tout, la multinationale poursuit ses recherches sur le sorgho et le maïs. »
Pour faire passer le message qu’ils doivent être financés, les paysans ont besoin de l’appui de leurs Organisations paysannes (OP). « Elles doivent être en messure de plaider efficacement auprès des autorités nationales, régionales et internationales », explique Om Koulsoum. « Réciproquement, les OP informent les paysans à propos des enjeux liés à l’agriculture familiale durable. Les paysans ont pris conscience des conséquences négatives de l’agrobusiness. Ils ont par exemple très bien compris que les projets agricoles mis en place par la Banque mondiale (Agropôles) au Burkina Faso, ne leurs sont pas vraiment destinés. »
L’agroécologie gagne à être mieux connue par les paysans. Om Koulsoum pense que « les paysans prennent de mieux en mieux connaissance des conséquences de la mauvaise utilisation des engrais et des pesticides qui exposent la population à des problèmes de santé… Certains producteurs, prétextant la tradition, pensent sincèrement que leurs pratiques culturales sont agroécologiques, alors qu’ils sont encore loin du compte. Quand on évoque comme prétexte que nos ancêtres ont toujours cultivé la terre ainsi, on oublie que l’agroécologie est aussi un partage de pratiques entre agricultures familiales du monde. C’est un mouvement international. Il faut maintenir nos bonnes pratiques et ajouter une dose d’innovation pour évoluer. «
En coordination avec Oxfam, SOS Faim est associé à une campagne de défense et promouvoir le lait local en Afrique de l’Ouest. Pour Om Koulsoum, « les paysans sont également mieux informés du contexte international et de ses incidences sur certaines filières, comme le lait, par exemple. Les politiques commerciales de l’Union européenne sont clairement en défaveur de la production du lait local en Afrique de l’Ouest. Les laiteries locales n’ont pas les ressources nécessaires pour assurer une bonne offre. La collecte n’est pas abondante, il y a des déperditions sur l’ensemble de la filière, qui ne répond pas aux besoins des consommateurs. Mais la réponse à ces faiblesses n’est certainement pas de recourir aux importations européennes de lait en poudre à des tarifs préférentiels. La réponse réside dans un renforcement des filières locales. «
Les paysannes se préoccupent de l’égalité des chances et des droits entre hommes et femmes. « Les paysannes sont présentes dans tout le processus de production, de transformation et de commercialisation, mais malheureusement elles ne bénéficient pas autant des résultats que les hommes », regrette Om Koulsoum. « Ce sont des injustices. Mais les concernées prennent des initiatives. En Afrique de l’Ouest, elles ont lancé la campagne Nous sommes la solution qui réclame l’accès des paysannes aux instances de prise de décision et de dialogue. «
Il faut également promouvoir des modèles d’hommes qui respectent la femme… il faut faire la louange des hommes qui permettent aux femmes d’exercer leurs droits. D’autres hommes vont emboiter le pas et au fur et à mesure je pense qu’il y aura un changement… «
Om Koulsoum : « J’ai précédemment travaillé pour Médecin du Monde France. Je pense qu’il est important de ne pas perdre de vue les questions transversales telles que les liens entre l’agriculture, la santé et la nutrition. Pendant les périodes de soudure, la mère ne mange pas bien, l’enfant ne boit pas le lait maternel nécessaire pour se nourrir et le lait pour biberons n’est pas accessible .
Durant la saison hivernale, les paysans des régions isolées n’ont parfois pas d’autres choix que de boire l’eau de pluie, dangereuse pour la santé… Durant cette saison, l’accès aux dispensaires et hôpitaux est difficile, voire impossible. Des barrières socio-culturelles empêchent certains paysans de recourir aux soins. Lorsqu’ils sont malades, ils commencent par faire des soins traditionnels et n’envisagent une visite au médecin, de toute manière très onéreuse, qu’en dernier recours. «
Or, conclut Om Koulsoum, « tous les défis posés en termes de soutiens aux agricultures familiales exigent qu’à la base les paysans puissent avoir un niveau de vie décent et une santé solide ».
Propos recueillis par Pierre Coopman