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14 juillet 2025

HUMUNDI & ALTERFIN: nous existons pour la même raison

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Comment (se) redonner de l’espoir dans le climat politique actuel ? Benoît de Waegeneer, Secrétaire général de Humundi (ex-SOS Faim), et Caterina Giordano, Directrice de l’impact sociétal chez Alterfin, se penchent sur cette question dans cette interview croisée. Et ils semblent d’accord sur la réponse : pour faire face, il faut agir et donner aux gens des moyens d’agir. L’occasion aussi de revenir sur 30 ans de synergies entre nos organisations, toutes deux engagées dans la transition agricole et la finance solidaire

Deux paysans travaillant dans un champ en altitude au Pérou

À quel moment se sont croisé les chemins d’Alterfin et d’Humundi ?

B.W. : Peu après le démarrage d’Alterfin, au début des années 1990. Alterfin est née d’une analyse au sein du secteur des ONG, qui cherchait un nouveau modèle pour soutenir des activités génératrices de revenus pour les communautés paysannes dans les pays du Sud. Humundi – SOS Faim à l’époque – était déjà active dans la microfinance. Nous sommes vite montés à bord, en devenant actionnaires d’Alterfin et en rejoignant le Conseil d’administration.

C.G. : Avant cela, il y avait déjà eu des collaborations sur le terrain, plus précisément au Pérou. Plus tard, Humundi y a lancé un fonds de garantie, FOGAL, qui a permis de garantir partiellement des financements d’Alterfin.

Quels sont les grands points communs entre Alterfin et Humundi ? Et en quoi êtes-vous différents ou complémentaires ?

C.G. : Nous existons exactement pour la même raison : nous voulons soutenir des communautés vulnérables en leur permettant d’entreprendre dans l’agriculture durable et grâce à la microfinance, tout en protégeant la planète. Pour cela, nous identifions tous deux des partenaires à haut potentiel d’impact, dans l’agriculture et la microfinance. Ce qui nous différencie, c’est la façon dont nous le faisons et le stade où nous intervenons. Du côté d’Alterfin, les partenaires dans lesquels nous investissons ont déjà atteint une certaine viabilité financière. 

B.W. : Alors que chez Humundi, nous repérons ces partenaires à un stade plus précoce, quand nous ressentons qu’ils ont le potentiel de devenir viables. Nous leur apportons une assistance organisationnelle, technique, agronomique….En fait, une part importante de nos partenaires agricoles sont susceptibles de bénéficier d’un appui d’Alterfin plus tard.

quel aspect dans l’offre de fonctionnement l’un et l’autre ?

B.W. : Le rôle de ‘missing middle’ que joue Alterfin – offrir des financements à des organisations qui autrement n’en trouveraient pas – est précieux. Comme nous, vous vous concentrez sur un segment difficile, mais utile. Au final, nous partageons l’objectif de vouloir démontrer que des alternatives économiques sont possibles et viables. Pour cela, nous nous posons tout le temps la question : comment dé-risquer l’investissement d’acteurs économiques, surtout dans des contextes politiques compliqués ?

« Nous partageons l’objectif de démontrer qu’il existe des alternatives économiques viables. »

Secrétaire général de Humundi (ex-SOS Faim)

C.G. : C’est pourquoi j’apprécie autant le fonds de garantie FOGAL, dont bénéficie toujours Alterfin pour couvrir ses prêts. C’est un instrument clé, qui nous donne une marge de manœuvre pour ‘tester’ de nouveaux investissements plus risqués.

B.W. : C’est ce que nous voulons encourager. Beaucoup d’acteurs financiers concentrent leurs investissements en milieu urbain, par exemple. Mais avec vous, nous voulons intervenir dans les milieux ruraux, car il s’y trouve un si grand potentiel de changement. 

Alterfin fête ses 30 ans. Qu’est-ce qui a évolué au cours des 30 dernières années ?

C.G. : Aujourd’hui, il y a beaucoup plus d’investisseurs à impact et de fonds ESG. Mais la plupart d’entre eux ne sont pas réellement dans de la finance engagée. Investir dans des projets qui ont un « impact limité » sur l’environnement, ce n’est pas assez. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de limiter les dégâts, mais de les réparer et de changer de modèle.

Aujourd’hui, faire un don ou investir son argent différemment, c’est un véritable acte de résistance.

 Caterina Giordano, Directrice de l’impact social chez Alterfin

B.W : Dans les pays où nous sommes actifs, nous voyons un intérêt grandissant pour l’agroécologie de la part des pouvoirs publics. Certains semblent enfin la voir comme une réelle alternative. Récemment, un partenaire dans la microfinance nous a même dit qu’aujourd’hui, il considérait un investissement dans l’agroécologie moins risqué qu’un investissement dans l’agriculture traditionnelle. C’est dire si les lignes sont en train de bouger.

Ce qui ne change pas, c’est le manque d’accès au financement. Financer des business models déjà confirmés, c’est facile. Encore aujourd’hui, seuls 0,8 % des financements mondiaux en faveur du climat vont à des petites exploitations agricoles familiales. Alors qu’elles pourraient jouer un rôle majeur dans la préservation de l’environnement, et qu’elles sont les premières victimes d’un changement climatique dont elles sont les moins responsables !

Cela ne risque pas de s’améliorer, avec la baisse des investissements dans l’environnement, le climat et la coopération au développement…

B.W. : Aujourd’hui, les politiques nous servent un récit qui semble logique à première vue : le monde est en désordre, donc il faut investir dans la défense pour retrouver une stabilité. Mais qu’est la coopération au développement, sinon un investissement efficace dans la stabilité ?

Quant à la décision du gouvernement belge d’à la fois couper dans ses subsides destinés aux ONG et supprimer l’avantage fiscal lié aux dons, elle est incompréhensible. La première initiative semble indiquer qu’on veut faire davantage reposer la solidarité sur les épaules du privé. Mais quel message envoie alors la suppression de l’avantage fiscal ?

C.G. : C’est difficile de ne pas y voir une stratégie d’affaiblissement délibérée. Mais une stratégie illogique, car personne n’y gagne. Soyons francs :  si on veut éviter la guerre et les migrations massives, le plus logique est d’investir pour que les populations aient des opportunités et puissent vivre dignement dans leur propre pays, non ?

Il y a un grand malentendu qui a la vie dure. Non, faire un don ou un investissement solidaire, ce n’est pas de la charité. C’est investir dans la planète, la réduction de la pauvreté et donc l’avenir. 

Est-ce difficile de rester positif dans ce climat de morosité ? Où puisez-vous de l’espoir, et comment transmettre cet espoir à vos membres, sympathisants et partenaires ?

C.G. : Nos partenaires sont beaucoup plus résilients qu’on ne le pense, ils ont l’habitude de s’adapter. Mais c’est vrai que le contexte actuel a de quoi déprimer. Et oui, nous avons vu des membres coopérateurs partir récemment à cause de la suppression de l’avantage fiscal lié à leur investissement. Mais je crois que dans le contexte actuel, d’autres membres vont venir à nous, et ils viendront pour les bonnes raisons. 

Face aux défis de plus en plus grands, on peut se sentir de plus en plus petit. L’espoir est un muscle qu’il faut entretenir. Le meilleur moyen de le faire est par l’action, et c’est exactement ce que font nos membres coopérateurs et donateurs. Pas besoin d’être Greta Thunberg ; on peut agir au quotidien par nos choix, nos votes et nos actions concrètes.

B.W. : Dans les pays où nous sommes actifs, rien que le démantèlement de l’USAID a causé des nombreux licenciements sur le terrain. Nos partenaires sentent le vent qui tourne, mais le sentiment qui prévaut est : « On va se débrouiller ». Des récits de choses qui fonctionnent, de changements positifs, nous en entendons plein ! Notre défi est de faire passer ces messages positifs, sans pour autant paraître naïfs.

Et il faut donner aux gens des moyens d’agir. Chaque année, 1000 personnes de plus nous soutiennent, car elles nous font confiance pour faire la différence. Cela reflète les différents baromètres sur les préoccupations des gens, en Belgique et en Europe : la majorité des Belges trouvent toujours important d’investir dans la coopération au développement, et le climat fait toujours partie de leurs principales préoccupations. Donc les choix du monde politique ne semblent pas vraiment en phase avec les priorités des gens. Alors on peut dire que faire un don ou investir son argent différemment, aujourd’hui, c’est un véritable acte de résistance.

Vous organisez une campagne ensemble, à l’occasion des 30 ans d’Alterfin. Quel est son message ?

B.W. : Nous nous réjouissons de nous associer à Alterfin pour cette campagne, c’est une belle occasion de mettre en valeur le rôle économique que joue Humundi. Nous avons tant de sujets de dialogue avec Alterfin, et bien sûr nous allons continuer à nous challenger mutuellement.

C.G. : Humundi fait partie de l’aventure d’Alterfin depuis le départ, c’est une collaboration qui fait totalement sens. Quant au message, il est simple : face aux gouvernements qui en font moins, nous, on doit en faire plus, ensemble !