13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite8 février 2022
En décembre 2021, le Réseau de prévention des crises alimentaires a tiré la sonnette d’alarme face à l’aggravation de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest. Le Mali est sous embargo économique après le report des élections par la junte au pouvoir. Au Burkina Faso, également marqué par un récent coup d’Etat, les risques de crise alimentaire sont sérieux. Les organisations paysannes s’alarment face à une combinaison de menaces pour le droit à l’alimentation des plus vulnérables.
La dépendance du secteur agricole aux produits venus de l’extérieur contribue à la crise. Des problèmes d’approvisionnement liés à la COVID-19 ont réduit la disponibilité des engrais importés mis à disposition des paysans en début de campagne agricole et ont renchéri leurs coûts (22 000 FCFA, soit environ 34 EUR le sac). Une dépendance entretenue par un soutien étatique trop axé sur le conventionnel. Résultat, à défaut d’un soutien suffisant à des alternatives comme l’agroécologie, la production est affaiblie et le surcoût des intrants pèse à la hausse sur les prix pour des producteurs qui doivent rentrer dans leurs frais.
Beaucoup s’attendaient à une grave crise alimentaire l’an dernier en conséquence de l’insécurité, de la crise sanitaire et de la mauvaise campagne agricole. La catastrophe n’a pas eu l’ampleur annoncée. Une explication réside certainement dans le niveau des stocks, qui a permis d’absorber une partie du choc. Mais ces stocks sont dorénavant bas. Nos partenaires au Burkina Faso le disent : « Les magasins paysans et les stocks des coopératives sont vides ».
Les prix ont été anormalement élevés à la fin de la saison humide (de mai à octobre). Le sac de maïs s’est négocié dans certaines zones en bord de champs à 16000 FCFA (environ 24 EUR) contre un prix usuel de 8000 FCFA en année normale. « 16 000 FCFA, c’est normalement le prix de la fin de la période de soudure, avant les premières récoltes, lorsque les produits des récoltes précédentes viennent à manquer, provoquant souvent une pénurie et une flambée des prix. » A présent, l’ensemble des prix augmentent durant toute l’année, du sel, à l’huile en passant par les farines. Même le riz importé, habituellement moins cher, se vend désormais à des montants quasiment équivalents au riz local.
Lors de son dernier bulletin de veille[1], l’organisation spécialisée Afrique Verte notait une augmentation généralisée au Burkina Faso par rapport à la moyenne des cinq dernières années : de plus de quelques % pour le riz à plus de 75% pour le maïs dans certaines localités.
Si l’on peut supposer que les prix élevés bénéficient aux producteurs agricoles, les organisations paysannes, dans le contexte actuel de fragilité généralisée de la sécurité alimentaire, craignent au contraire que ces prix incitent leurs membres à ne pas conserver assez de grains pour tenir jusqu’à la prochaine période de soudure et replanter l’an prochain, faisant d’eux des acheteurs dans quelques mois, au moment où les prix seront encore plus élevés.
L’insécurité n’arrange rien. Fin 2021, le Burkina comptait près d’1,5 millions de déplacés internes. En conséquence, dans certaines régions près de 50% des surfaces n’ont pas été cultivées. Ailleurs, les surfaces cultivées mais abandonnées à la hâte ne pourront être récoltées. Des communautés entières sont passées du statut de producteurs agricoles à celui de déplacés internes dépendant de l’aide ou des marchés agricoles.
L’indice des prix des denrées alimentaires de la FAO de janvier 2022 confirme le niveau général. Depuis janvier 2021, plusieurs produits significatifs (viande, sucre, produits laitiers, céréales, huiles végétales) sont à la hausse.
En conclusion, dans une perspective de transition vers des systèmes alimentaires durables, la crise actuelle confirme les dangers de la dépendance des systèmes alimentaires aux importations de céréales (l’Afrique importe 1/3 de ses céréales) mais aussi aux intrants indexés sur les énergies fossiles.
Si elle souligne aussi la difficulté des pays touchés par les conflits à assurer la sécurité alimentaire de leur population, cette crise démontre également l’importance des filets de protection sociale dans les zones rurales et la place que peuvent jouer les magasins paysans en améliorant l’interconnexion des producteurs avec les marchés locaux.
Dans l’immédiat, le Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) et les autres plateformes régionales appellent à la vigilance particulière des Etats à l’approche de la période de soudure et en vue du lancement de la prochaine campagne agricole[2].
Rédaction : Benoit De Waegeneer
[1] https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/PSA_248-12-2021.pdf
[2] http://www.roppa-afrique.org/IMG/pdf/roppa_declaration_v2_1_.pdf
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