13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite1 septembre 2022
Boubou Sangho est le créateur de Boubou Lait, une unité de transformation de consommation du lait frais local au Mali (lait pasteurisé, yaourts, fromages). Il travaille avec des coopératives, et effectue des tests de la qualité, de la pasteurisation et procède à la conception de nouveaux produits.
Quel est ce système de livraison aux particuliers et pourquoi l’avoir mis en place ?
La livraison à domicile des particuliers est partie d’un constat : avant, nous livrions uniquement aux supermarchés, mais les clients habitent loin de ces points de vente. Ce sont les clients eux-mêmes qui nous ont demandé de faire des livraisons, pour que ce soit plus pratique et accessible. Les habitudes de consommation ont changé, ils préfèrent la livraison. Nous livrons du lait frais, du lait caillé, des yaourts…
La livraison est organisée par l’équipe, à moto, à tricycle ou à vélo. Bamako est une grande ville, il faut pouvoir se déplacer rapidement dans les embouteillages, ce qui est compliqué en voiture.
Quelle est votre méthode de livraison et de communication sur vos services ?
On livre à l’heure actuelle 85 clients, nous utilisons les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, LinkedIn, Whatsapp…) ainsi que le bouche à oreille pour nous faire connaitre, mais la demande s’intensifie, on travaille sur une application mobile pour faciliter l’expérience client et créer une seule base de données. Le client passera par cette application pour s’inscrire, il n’y aura plus besoin de nous contacter sur les réseaux sociaux ou par téléphone, il faudra simplement s’inscrire sur l’application. Cela sera également plus facile lors des déménagements des clients. Via cette application, le client pourra renseigner ce qu’il souhaite commander, sa localisation ainsi que toutes les informations nécessaires et nous serons directement notifiés de sa commande.
Quels sont les défis auxquels vous avez dû faire face ?
Le premier défi a été l’ajout de nouveaux clients qui n’habitent pas dans le même secteur, nous avons mis en place un mapping. Bamako est une grande ville divisée en 6 communes ; ce mapping, qui consiste en la mise en place de boxs (sortes de bureaux délocalisés, d’entrepôts dans les quartiers) dans les communes, nous permet de livrer plus facilement les clients qui habitent dans la même localité. Pour mettre en place ce mapping, nous avons établi des zones où les clients sont les plus nombreux pour créer des zones avec plus ou moins de livraisons. Nous avons donc également dû mettre en place un fichier client, avec le nom et l’adresse des clients pour pouvoir mieux localiser les clients qui sont proches.
La hausse du coût du carburant constitue un défi important, cela a une incidence certaine sur nos activités, il faut aussi prendre en compte les embouteillages interminables qui nous font perdre du temps, il faut à chaque livraison s’organiser et calculer le coût et le temps pour que la commande arrive chez le client.
Un autre défi peut se présenter parfois : il y a une incompréhension, et les clients peu avertis ne savent pas qu’il faut mettre les produits livrés immédiatement au frais, sous peine qu’ils ne puissent plus être consommés. Ces clients demandent qu’on leur envoie une autre livraison des mêmes produits. Les retours-produits nous coûtent cher, car il faut aussi prendre en compte les températures chaudes de Bamako, qui peuvent monter à 45° à l’ombre.
Pouvez-vous me parler de l’accès aux réseaux sociaux et au digital au Mali ? En quoi cela est un défi et comment le surmontez-vous ?
L’accès à internet est très inégalitaire selon les régions au Mali. La qualité du réseau est assez faible, et internet coûte très cher. On paye pour un service qui n’est pas de grande qualité, et très localisé ; le réseau est plutôt bon à Bamako, mais dès que l’on sort de la ville, c’est très difficile d’accéder à internet. La situation politique et sécuritaire du pays a également un fort impact sur l’accès au digital, il y a beaucoup de coupures et de restrictions par les autorités.
Pour contrer ces difficultés d’accès à internet, nous avons mis en place par exemple des VPNs pour faire face lors des coupures et des restrictions à Bamako, mais dans les localités où l’accès internet est trop difficile, on est obligés de passer par le téléphone ; par des appels téléphoniques ou par message, qui mettent souvent un peu de temps avant d’arriver à destination.
Est-ce que ce système de livraison à une vocation de sensibilisation d’un nouveau public ?
Oui, on a développé ce service afin d’être en contact direct avec nos consommateurs, pour pouvoir les informer directement sur nos produits, nous avons choisi de miser sur le local, car c’est l’agroécologie, la nature, l’environnement sont des questions qui nous sont chères. Ce système de livraison nous a permis d’atteindre de nouveaux clients, moins sensibles à ces thématiques. Nous les informons sur la qualité, la provenance du lait, nous nous chargeons de présenter les producteurs locaux en question, et de défendre l’économie locale. La possibilité d’être en contact direct avec le consommateur nous permet plus d’échanges sur ces sujets. Enfin, en consommant local, on prend crédit à réduire le changement climatique.
Rédigé par Gwendoline Dussart, volontaire pour le Supporterres « Quelle modernité pour l’agriculture durable ? »