13 mars 2025
JAGROS 2025 : Agir pour une agriculture juste et durable
Lire la suite13 septembre 2021
Il n’y a pas plus culturel que l’agriculture et l’alimentation. S’il est vrai que nous mangeons ce que nous avons, il est aussi incontestable que nous sommes et nous devenons ce que nous mangeons. L’ensemble des agricultures familiales résultent des cultures ingénieuses spatialement réparties aux quatre coins du monde. Elles ont évolué et elles continuent à se transformer au fil du temps pour nous fournir une diversité extraordinaire de choix alimentaires. La diversité culturelle des pratiques de production, de transformation des produits agricoles et des arts culinaires constitue un patrimoine mondial que l’humanité a tout intérêt à sauvegarder.
Face à la libéralisation des échanges et du « tout marchandise », la diversité culturelle des saveurs et des valeurs est menacée par la tendance à l’uniformisation des produits alimentaires et des manières de consommer. Comme on ne discute pas des couleurs, est-ce que ça ne devrait pas être pareil pour les goûts et les saveurs ?
En cette période de la fin des vacances, certains se remémorent déjà la joie d’avoir dégusté avec des amis ou des inconnus les bons menus préparés avec la touche la plus culturelle de l’art culinaire des pays lointains ou des peuples voisins qui leur ont fait découvrir la richesse de la gastronomie identitaire. Ainsi, la saveur des aliments diversifiés considérés dans leur dimension sociale rappelle nos valeurs de partage et de solidarité.
Elle rappelle également que les marchés alimentaires représentent non seulement un lieu de rencontre de la demande et de l’offre pour se nourrir mais aussi un cadre de partage des valeurs identitaires des peuples. Pourtant, ils sont confrontés à la menace de la disparition des patrimoines agricoles et alimentaires culturels chèrement conservés et transmis de génération en génération.
Le 20 octobre 2005, l’UNESCO, dans sa conférence générale, a adopté la « Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ». C’est certes une étape franchie pour permettre aux Etats de mettre « librement » en œuvre les politiques d’aide à la créativité. Toutefois, le pari n’est pas gagné pour soustraire le domaine culturel des principes de libéralisation du marché de l’OMC. Idem pour l l’agriculture, dont le rôle culturel tarde à être reconnu et qui continue à subir les contraintes de la libéralisation des échanges au détriment de la préservation des patrimoines alimentaires durement conçus par diverses communautés.
La question qui se pose est de savoir comment concilier les exigences en saveurs illimitées des consommateurs du monde entier avec les choix de productions limitées par les contraintes du marché basées sur la compétitivité ? La mondialisation joue un grand rôle dans l’échange et la diffusion de produits agricoles diversifiés issus des différentes identités culturelles.
Toutefois, les lois du marché basées sur la compétitivité favorisent les cultures dominantes. Celles-ci s’imposent par la mise en place de conditions et de normes exclusives pour protéger certains intérêts au détriment de la diversité des échanges. La régulation des échanges, loin d’être un frein à la compétitivité, permettrait pourtant l’évolution continue de la diversification des produits destinée à la consommation. La priorité devrait surtout être accordée aux producteurs défendant la nutrition familiale dans le respect de la diversité culturelle. Les familles agricoles bien intégrées dans une économie marchande et monétarisée mettraient ainsi au premier plan la production domestique dans les décisions d’affectation des moyens et dans la gestion des dépenses alimentaires.
L’agriculture souvent considérée comme un point de chute des travailleurs en provenance de secteurs en faillite est en réalité un puits de compétences diversifiées et un lieu d’expression des valeurs culturelles associées à la créativité. Leur savoir-faire déployé au profit de la diversification des biens et services échangeables de grande valeur culturelle associée à des modèles agricoles respectueux de la diversité mérite une attention particulière des décideurs.
De plus, en tant que travail des écosystèmes, l’agriculture est le repère de la diversité culturelle développée dans un cadre plus élargi de l’alimentation équilibrée. En plus d’être un grand réservoir de la diversité biologique, elle est aussi une source inépuisable de saveurs possibles au bénéfice de la consolidation et du partage des acquis dans le domaine nutritionnel.
Rédactrice : Mireille Mizero