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30 mars 2022

Hommage à Jean-Philippe Peemans

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Le plaidoyer d’un professeur en faveur de l’agriculture durable

Le professeur Jean-Philippe Peemans est décédé en janvier 2022. Il avait accepté en 2017 de rédiger l’article d’introduction de notre édition annuelle de Défis Sud. Professeur émérite de l’Université de Louvain, ses domaines d’enseignement concernaient les théories, les politiques et l’histoire du développement.

Ses collègues de l’UCL décrivent une personnalité d’une grande retenue (1). Il avait ainsi refusé de publier sa photo pour accompagner son article intitulé « L’avenir menacé de l’agriculture durable ». Nous republions donc l’article en «Flipbook» ci-dessous avec ses illustrations originales, comme le professeur Peemans l’aurait sans doute souhaité. Cet article long, sous forme de rétrospective historique de l’agriculture moderne, reste parfaitement d’actualité. Passionnant de bout en bout, on peut le résumer en quatre parties : (1) les effets dévastateurs de la modernisation forcée, (2) l’inspiration mexicaine, (3) les élites du sud obéissantes, (4) la résistance, la réinvention, et les initiatives nouvelles.

Les effets dévastateurs de la modernisation forcée

Pendant longtemps l’agro-industrie et les industries agroalimentaires ont eu une position périphérique par rapport à l’évolution de l’agriculture, mais avec le rôle prééminent qui leur a été attribué dans la politique agricole des USA peu avant la Seconde Guerre mondiale, elles ont progressivement défini les critères de transformation des pratiques agricoles. Elles ont joué dès lors un rôle déterminant dans l’industrialisation accélérée de l’agriculture (…) ll y a une violence non dite, mais fondatrice, dans la pensée de la modernisation : la petite paysannerie, identifiée à un monde prisonnier de la tradition, synonyme de misère et d’arriération, doit disparaître à terme dans ce processus, mais en même temps, dans la phase de transition, elle est un objet et un instrument de la modernisation, en fournissant un surplus agricole et une offre de main-d’œuvre pour l’industrialisation et l’accumulation en général. On peut dire que cette approche a orienté fondamentalement les politiques agricoles à partir des années 1950-1960 tant au Nord qu’au Sud.

L’inspiration mexicaine

La modernisation forcée s’est inspirée de l’expérience mexicaine de Révolution verte des années 1940-1950. Cette politique a été mise en place dans les années 1940 avec le soutien de grandes fondations nord-américaines. Cela a permis l’émergence d’une catégorie d’exploitations agricoles moyennes basées sur la mise en œuvre de l’irrigation, les semences améliorées et les engrais chimiques, très largement subsidiées par l’État mexicain.

Les élites du sud obéissantes

Dans de nombreux pays du Sud, surtout en Amérique latine, mais aussi dans le monde arabe et en Asie du Sud, depuis des générations, les élites locales étaient à la recherche d’une incorporation de certains éléments du modèle occidental. Mais les élites modernisatrices de tous bords ont été confrontées à des paysanneries qui n’avaient rien d’une masse passive, et essayer de les  capturer pour en faire des instruments dociles des politiques de modernisation s’est avéré très problématique. Dans plusieurs pays, la question de la terre a donné lieu à des revendications paysannes fortes.

La résistance, la réinvention, les initiatives nouvelles

Les résistances du 20e siècle ont pris la forme des luttes anticapitalistes et anti-impérialistes dans lesquelles la paysannerie a joué un rôle central dans les pays du Sud.

(…) les mouvements révolutionnaires, avec une composante paysanne importante, ont été éliminés ou marginalisés par la violence des politiques de répression,

(…) Aujourd’hui, les comportements de résilience concernent toutes les pratiques paysannes qui parviennent ou cherchent à contourner les contraintes impo-sées par les politiques et les stratégies d’acteurs qui visent à les marginaliser ou à les instrumentaliser. (…) L’émergence d’un mouvement comme la «Via Campesina» a été en ce sens une étape majeure pour ouvrir de nouvelles pistes et recréer des mouvements de résistance. L’originalité de ce mouvement a été de produire un discours de résistance ancré sur les valeurs et les pratiques de résilience des mondes paysans. La déclaration des « Droits des Paysans » en est la plus claire évidence.

(…) Depuis les années 1980 et 1990, un ensemble de recherches sur le développement rural ont été dans le sens d’une réhabilitation des pratiques et des connaissances de l’agriculture paysanne mettant en valeur son adaptabilité aux changements comme une caractéristique de longue durée. Ce nouveau regard va à l’encontre de la conviction toujours dominante que seules des politiques de modernisation accélérée de l’agriculture seraient la solution à tous les problèmes du « retard » du monde rural, et que le rattrapage accéléré serait la voie universelle du développement.

Publications de Jean-Philippe Peemans sur Cairn.info : https://www.cairn.info/publications-de-Jean-Philippe-Peemans–58852.htm

(1) https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/iacchos/dvlp/actualites/hommage-a-jean-philippe-peemans.html

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