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12 octobre 2017

Quand les paysans font entendre leurs voix

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Partout dans le monde, des communautés agricoles se battent pour maintenir leurs droits à la terre et accéder aux ressources. Trois exemples concrets illustrent la diversité de ces combats.

Brésil : le combat des sans-terre

Parmi les mouvements de lutte paysanne, le Mouvement des sans-terre (MST) au Brésil est l’un des plus anciens et des mieux organisés. Dans un pays où 1% des propriétaires terriens possède 47 % des surfaces agricoles, la question d’un juste accès à la terre est centrale. Le MST émerge au début des années 80, à un moment où les réformes néo-libérales entamées sous la dictature (1964-1985) accentuent le phénomène de concentration des terres au profit de l’agrobusiness. Le MST procède à des occupations massives de terres, souvent inexploitées, mais fait face à la répression des grands propriétaires terriens, qui reçoivent souvent l’appui de l’État. Si le retour à la démocratie en 1985 ouvre la voie à une redistribution des terres, celle-ci est timide et les exactions restent légions. Le mouvement s’établit néanmoins comme une véritable plateforme d’opposition, notamment face au puissant lobby ruraliste, défendant agrobusiness et propriétaires terriens. Malgré une accalmie toute relative durant les années Lula, la présence importante de députés ruralistes depuis les élections de 2014 et l’arrivée au pouvoir de Temer en 2016 ont vu un accroissement des accaparements de terres, au détriment de paysans pauvres ou de populations autochtones amazoniennes, ainsi qu’une recrudescence d’agressions et d’arrestations contre les militants du MST. L’an passé a été une année noire avec 61 assassinats. On compte désormais, depuis 1985, 1722 militants tués .

Pour aller plus loin :

 

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Pérou : Agua sí ! Oro no !

Au Pérou, c’est contre le projet Conga, une extension de la mine d’or et de cuivre de Yanacocha, que les habitants de la région de Cajamarca protestent depuis 2012. Dès le début de l’exploitation en 1993, de nombreux paysans sont obligés de quitter leurs terres contre des sommes dérisoires et viennent gonfler le nombre de travailleurs pauvres en périphérie des villes. Autre problème, la qualité de l’eau dans la région baisse de manière significative. Elle est polluée par les métaux lourds utilisés dans l’extraction minière. Cela a des impacts sur la santé des populations mais aussi sur leur bétail qui se nourrit des poissons contaminés et boit cette eau. L’extension fait craindre la dégradation définitive de l’eau dans la zone et une appropriation pure et simple de certaines sources. Malgré les intimidations de la compagnie minière Newmont Mining Company et du gouvernement central, la protestation se poursuit et est essentiellement menée par des collectifs de femmes.

 

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Viva Maxima ! 

Maxima Acuňa de Chaupe en est une des figures emblématiques. Habitante de la zone convoitée par le projet minier, elle s’oppose à l’appropriation de ses terres par la compagnie et, surtout, la privatisation de l’eau située sur celles-ci. Durant un procès de plusieurs années, elle a fait valoir ses droits malgré les menaces des services de sécurité de la mine. Face à l’ampleur de la protestation, le projet est suspendu en 2014 et finalement annulé en 2016.

Pour aller plus loin :

 

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Burkina Faso : pour une souveraineté semencière

La gestion et l’accès aux semences par les agriculteurs constitue une autre lutte face à l’emprise de l’agro-industrie et des grands semenciers. Au Burkina Faso, cette lutte a pris un tournant médiatique avec le départ annoncé de Monsanto, face à l’échec patent du coton BT. Cette variété transgénique, imposée sans concertation avec les agriculteurs, a produit du coton médiocre, mettant en péril la filière burkinabé, pourtant réputée pour sa qualité. Face au scandale, les autorités ont décidé de revenir au coton conventionnel en 2018.

Si le départ de la multinationale est une victoire symbolique, la filière des semences reste encore largement aux mains des grandes sociétés cotonnières. Néanmoins, de plus en plus de producteurs s’élèvent contre l’opacité qui entoure la production des semences et réclament, entre autres, une participation des agriculteurs dans les réflexions autour du cycle du coton et dans la sélection des variétés utilisées. Ces revendications sont également portées à l’échelle régionale par la Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN), qui cherche à promouvoir les semences paysannes et à les défendre face à toute privatisation du vivant.

Ces trois cas mettent en lumière quelques-uns des enjeux relatifs aux luttes paysannes et tous convergent vers un même centre névralgique : la lutte pour la souveraineté.

Pour aller plus loin :

 

Rédaction : Nicolas Nikis, bénévole

 

EN SAVOIR PLUS

Cet article est tiré du Supporterres n°1 d’Octobre 2017 : « Luttes paysannes ». Pour en savoir plus sur ces luttes, n’hésitez pas à consulter le numéro complet.

Luttes paysannes