13 mars 2025
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Lire la suite25 novembre 2021
L’humanité restera exposée aux variants et aux nouvelles souches de la Covid-19 tant que ceux-ci continueront à se propager dans certaines régions. Un accès équitable à la vaccination au niveau mondial, y compris dans les zones rurales des pays pauvres, est essentiel pour mettre fin à la pandémie.
Fruit d’un partenariat entre l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), le CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations), la GAVI (Global Alliance for Vaccine and Immunization) et l’UNICEF, le dispositif COVAX est une initiative multilatérale destinée à stimuler le développement et la production mondiale de vaccins contre la Covid-19. Ce dispositif vise à rendre les vaccins accessibles au plus grand nombre de pays en fournissant des doses mais aussi en les acheminant et en en facilitant l’administration, en particulier dans les pays les plus pauvres et démunis sur le plan médical. Deux cents pays et territoires y participent. Un mécanisme de financement, l’accord Covax AMC (une garantie de marché nommée Advance Market Commitment), devrait permettre à 92 économies à faibles et moyens revenus d’avoir accès aux doses.
Les États-Unis sous l’administration de Donald Trump n’adhéraient pas à l’initiative. Depuis le début de la présidence de Joe Biden, les USA ont rallié les rangs du programme COVAX. Cuba refuse d’adhérer pour utiliser ses propres vaccins. La Chine et la Russie ne font pas partie de COVAX.
Les financements proviennent des gouvernements des pays riches, de donateurs privés et d’associations philanthropiques. Ainsi, la Fondation Greta Thunberg a décidé de donner 100 000 euros, ce qui est une contribution modeste si on la compare aux 200 millions d’euros donnés par la Fondation Bill et Melinda Gates. Certains pays bénéficiaires participent également financièrement. Au total, quelque 10 milliards de dollars US ont été collectés pour permettre au programme de contribuer à la réalisation de l’objectif de l’OMS : la vaccination d’au moins 40 % de la population de chaque pays bénéficiaire fin 2021, et de 70 % mi-2022, ce dernier objectif nécessitant quelque 11 milliards de doses.
Le programme reçoit aussi des vaccins excédentaires des pays développés qui ont déjà vacciné une grande partie de leur population. Des promesses de dons de vaccins sont annoncées régulièrement. Ainsi, fin septembre 2021, les États-Unis et l’UE se sont engagés à fournir respectivement 1,1 milliard et 500 millions de doses de vaccins à COVAX d’ici mi-2022. En tout, c’est de 1,425 milliard de doses dont COVAX devrait disposer à la fin de 2021, dont 1,2 milliard à destination des 92 pays à revenus faibles et intermédiaires.
En théorie, la plupart des pays atteindraient l’objectif de 40 % de vaccination de leur population d’ici la fin 2021, malgré le gros retard pris par COVAX tout au long de l’année. Une partie importante de l’Afrique n’atteindra pourtant pas cet objectif. Mi-novembre 2021, à peine 6,4 % des habitants du continent ont été complétement vaccinés et seuls 5 pays (Maroc, Seychelles, Maurice, Tunisie et Cap Vert) sur 54 ont vacciné plus de 40 % de leur population.
La situation est toutefois très disparate, entre le Maroc qui a vacciné 60 % de sa population et la RDC où la couverture vaccinale est inférieure à 0,1 %. Entre les deux, on navigue entre des pays comme le Cameroun et Madagascar (0,6 et 0,7 % de vaccinés) et le Zimbabwe ou l’Afrique du Sud (17,9 et 22,3 % de vaccinés), en passant par l’Égypte (11,3 %), la Côte d’Ivoire (3,9 %) ou le Sénégal (5,1 %). Au total, mi-novembre, 20 pays du continent ont vacciné entièrement 3 % ou moins de leur population.
Pourquoi ce faible taux ? Principalement parce que la vaccination sur le continent dépend surtout du déroulement du programme COVAX (couplé à AVAT : African Vaccine Acquisition Trust), même si certains pays africains concluent aussi des accords bilatéraux avec la Chine et la Russie. Les vaccins chinois et russes ont la côte au Maghreb. La Guinée a lancé une campagne de vaccination avec le vaccin russe Sputnik. La Chine a livré ses vaccins dans 17 pays africains, majoritairement son vaccin Sinopharm. Le premier servi a été les Seychelles début janvier. Le Niger en a reçu la plus grande quantité (400 000 doses).
COVAX a subi de nombreux problèmes d’approvisionnement en doses de vaccins aux 2e et 3e trimestres 2021, à cause de diverses suspensions de livraison des fabricants, au premier rang desquels le Serum Institute of India (le premier fabricant au monde), qui a interrompu ses exportations de vaccins au 2e trimestre 2021 pour pouvoir répondre à la vague très importante de Covid-19 qui sévissait alors en Inde.
D’autres fabricants n’ont pas assuré non plus, dans les délais, leurs livraisons de vaccins à COVAX, en raison de la priorité dont bénéficiaient les pays riches qui avaient conclu bien plus tôt – avant même la mise au point desdits vaccins – de gros contrats de livraison avec ces laboratoires. Enfin, certains lots de vaccins sont arrivés trop peu de temps avant leur date d’expiration et n’ont tout simplement pas pu être utilisés.
Les problèmes de logistique dans le déroulement de la campagne vaccinale s’accumulent. Les délais d’octroi d’autorisations de certains vaccins sont souvent trop longs. Le respect de la chaine de froid, lorsqu’il s’agit de mener des campagnes de vaccination dans des zones rurales isolées, peut paraitre insurmontable. Mamady Traoré, référent vaccination et réponses aux épidémies chez MSF – France, explique :
« Les pays africains ont l’habitude d’utiliser des vaccins qui se conservent à basses températures, mais pas à des températures très froides. Nombreux sont les pays qui n’ont pas les infrastructures pour transporter et entreposer efficacement des vaccins qui se conservent à moins 70 degrés. C’est la raison pour laquelle le vaccin AstraZeneca, qui se transporte et se stocke entre 2 et 8 degrés, a suscité beaucoup d’engouement sur le continent africain. » (1)
Mais la pénurie de seringues en Afrique, qui devrait se poursuivre jusqu’au 1er trimestre de 2022, pourrait ralentir considérablement l’administration des doses disponibles. Last but not least, on observe une certaine défiance des populations africaines à l’égard de la vaccination en général.
Mamady Traoré regrette également le nationalisme vaccinal :
« Certains pays développés ont réservé trois fois plus de doses de vaccins que nécessaires pour vacciner leur population, tandis que les pays africains ont eu du mal à recevoir ne serait-ce que les premières doses pour protéger leurs personnels en première ligne. C’est le signe que les nationalismes ont pris le pas sur la solidarité internationale dans la lutte contre la pandémie. Compte tenu de la fragilité des systèmes de santé africains, il est urgent d’obtenir les doses permettant de protéger les personnels soignants afin d’assurer la continuité des soins et éviter que les structures de santé se transforment en lieux de propagation de l’épidémie. Dans un monde globalisé, les virus ne respectent pas les frontières. C’est pourquoi les pays riches doivent impérativement penser à la solidarité internationale et à la synergie d’actions entre les pays. Il faut se diriger vers une distribution équitable des vaccins entre les pays développés et les pays en développement. »
Avec, désormais, une production mondiale de 1,5 milliard de doses de vaccins par mois, la question n’est plus celle de la disponibilité mais de la distribution, répartition et administration justes et efficaces des doses. Pour cela, l’OMS a mis sur pied une stratégie globale pour une couverture vaccinale de 70 % dans tous les pays du programme COVAX d’ici mi-2022.
La stratégie repose sur des principes de qualité. La vaccination doit se dérouler en parallèle avec des campagnes de tests, traitements et autres mesures sanitaires (= principe d’intégration). Cette stratégie suppose, pour être efficace, une approche globale coordonnée et séquencée (vaccination des plus âgés, du personnel médical et des personnes à risque d’abord, dans tous les pays), ainsi que des ressources suffisantes. Des 55 milliards de dollars US que représente le budget total de cette campagne vaccinale (la plus grande jamais déployée dans l’histoire du monde), il reste 8 milliards de dollars US à trouver.
La stratégie de vaccination de l’OMS requiert des mesures urgentes à tous les niveaux : local, national et multilatéral. Elle comporte aussi de nombreux défis : que l’approvisionnement global de doses de vaccin soit suffisant, qu’il y ait un accès aux vaccins équitable entre pays (ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent). Il faut que chaque pays dispose d’assez de ressources financières, humaines et logistiques pour mettre en œuvre les programmes de vaccination et gérer les risques liés aux nouveaux variants de la Covid sans compromettre les autres services de soins de santé.
Concrètement il s’agit, pour chaque pays du programme COVAX, d’établir des objectifs chiffrés et plans détaillés de vaccination, avec un suivi et un ajustement permanent de leur déroulement, en fonction de l’évolution de la situation réelle. Les pays ayant atteint un taux élevé de vaccination devraient honorer les engagements et promesses de partage et de dons de doses. Les fabricants de vaccins devraient prioriser les contrats passés avec COVAX/AVAT, accorder des licences d’exploitation et permettre le transfert de technologie pour accélérer la production là où elle est le plus nécessaire.
Il est attendu ou espéré que les banques et les institutions de développement mondiales, multilatérales ou régionales soutiennent COVAX, les mécanismes internationaux d’approvisionnement et les plans de distribution des vaccins. À cet effet, COVAX et les grandes organisations internationales doivent évaluer et communiquer les progrès réalisés tous les mois, identifier les problèmes à résoudre et les actions à prioriser.
Pour aboutir, cette stratégie doit également recourir aux sociétés civiles, aux organisations communautaires et au secteur privé encouragés à faire campagne en faveur de l’accès à la vaccination et à démentir les fausses informations à ce sujet.
Pari lancé donc, pour l’OMS ! Rendez-vous en 2022 pour un premier bilan.
Rédaction : Emmanuel Juste et Pierre Coopman
(1) https://ideas4development.org/vaccins-anti-covid-afrique-solidarite/
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