13 mars 2025
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Lire la suite28 juin 2021
Le soja, un symbole des dérives du système alimentaire actuel. Pour beaucoup, ce mot rime avec déforestation de l’Amazonie, voyages transatlantiques et élevages industriels néfastes à notre environnement, à notre santé et au bien-être animal. Malgré ces préoccupations, cette plante a pris une telle place dans l’alimentation des animaux d’élevage que peu d’agriculteurs parviennent à s’en défaire. Vincent Delobel, éleveur caprin bio à Tournai, a relevé ce défi. Il nous explique pourquoi les politiques européennes ont choisi de favoriser le soja tropical plutôt que l’herbe locale et met en avant des alternatives plus durables.
Dans le cadre de la Révolution verte qui suit la Seconde Guerre mondiale, des accords de commerce entre l’Europe et les Amériques transforment radicalement les paysages agricoles des deux continents. Le bétail quitte les prairies pour s’entasser dans des fermes-usines ; sa nouvelle alimentation se constitue de maïs européen, pour l’énergie, et de soja américain, pour les protéines. « On demande à l’Europe de cultiver du maïs en masse, qui n’apporte pas du tout de protéines, alors que l’herbe est équilibrée, elle apporte des protéines et de l’énergie », précise Vincent Delobel. Le manque d’accès à des protéines locales conduit bientôt à une dépendance envers les importations de soja sud-américain en Europe, où toute tentative vers plus de souveraineté alimentaire devient ardue.
Ce choix politique s’explique par la haute rentabilité du maïs propice à l’exportation et par le profil nutritionnel idéal du soja. Alors que d’autres légumineuses n’en apportent qu’une partie, le soja contient à lui seul les huit acides aminés essentiels au bon fonctionnement de l’organisme des ruminants. Cependant, les prairies de nos régions contiennent également des légumineuses, comme le trèfle ou la luzerne, qui, combinées avec d’autres plantes, apportent les mêmes bénéfices nutritionnels.
« Le soja n’est absolument pas nécessaire, on l’a introduit récemment afin d’atteindre des objectifs de production très poussés. »
Vincent Delobel
Les légumineuses adaptées à notre territoire n’ont pas seulement des atouts en matière de nutrition, elles sont aussi très intéressantes d’un point de vue environnemental :
« Les légumineuses sont notre arme contre la sécheresse et le réchauffement climatique. »
Vincent Delobel
L’inconvénient des élevages à l’herbe, c’est qu’il faut de l’espace. « Nos systèmes sont limités, on a besoin de beaucoup d’hectares de prairies proches de l’étable », confirme Vincent Delobel. Ceci n’est pas à la portée de tous les éleveurs, qui se sont industrialisés suite à la pression des politiques agricoles européennes. Afin de produire en masse, ils se sont retrouvés avec des grandes étables, beaucoup d’animaux, mais peu de terres où les faire paître. Outre ces défis logistiques, il y a les freins économiques. Posséder des petites surfaces revient à détenir moins d’animaux, donc à devoir vendre moins de volume. Les prix se mettent alors à grimper et peu de consommateurs sont prêts à payer plus cher pour des aliments qu’ils considèrent désormais comme de première nécessité. Mais Vincent Delobel ne se résigne pas : « il faut juste accepter qu’on ne peut plus faire de la viande bon marché. »
Par ailleurs, une hausse des prix des protéines animales pourrait diminuer drastiquement leur consommation, ce qui n’est pas une mauvaise chose pour la planète, ni pour notre santé. Les légumineuses telles que les pois, lentilles, haricots, etc. nous sont aussi profitables. Elles contiennent protéines, glucides, fibres, minéraux et vitamines. Leur faible
teneur en gras saturés n’apporte au corps humain que du bon cholestérol. Lentes à digérer, elles créent une sensation de satiété et aident à combattre la faim dans les régions plus pauvres du monde. Avec une population mondiale croissante, ces propriétés font des légumineuses locales un élément indispensable des systèmes alimentaires durables.
Rédactrice : Chems Deaibes
Cet article est tiré du Supporterres n°16 « Mieux produire, mieux se nourrir. Pour des systèmes alimentaires durables. »