13 mars 2025
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Les politiques agricoles et commerciales européennes ne sont pas en faveur du développement du lait local en Afrique de l’Ouest. Mais au Burkina Faso, une initiative appelée FaireFaso tente de résoudre les problèmes du secteur laitier.
Maud Kornreich et Benjamin Dreze, deux étudiants de l’ICHEC – Brussels Management School – ont réalisé un travail sur la filière lait au Burkina Faso en Afrique de l’Ouest. Pour notre second podcast, ils ont interviewé deux experts vivant en Belgique Gérard Choplin, analyste des politiques agricoles et Benoit de Waegeneer d’Oxfam Solidarité. Ils ont également interviewé Barry Yacouba, coordonnateur de L’Union nationale des mini-laiteries et des producteurs de lait local au Burkina Faso.
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De 1984 à 2015, l’Union européenne a limité la production laitière en attribuant des quotas aux producteurs européens, afin de de baisser le coût des excédents. A partir de 2003, l’Union européenne a progressivement aligné le prix des produits laitiers sur les prix internationaux. Il a été décidé de programmer la suppression des quotas en 2015. Les prix ont chuté. Certaines multinationales européennes en ont profité pour racheter à moindre prix le lait que les producteurs de lait ne savaient plus vendre. Elles ont extrait les matières grasses de ce lait pour répondre à la demande mondiale du beurre en forte hausse ces dernières années. Elles ont ensuite transformé le lait restant en poudre le lait sans matières grasses en y ajoutant de l’huile de palme pour l’exporter dans les pays du Sud
Les politiques commerciales et agricoles européennes ne sont pas en faveur du développement de la filière du lait local en Afrique de l’Ouest. L’UE négocie des accords autorisant un accès facile au marché africain. Les gouvernements ouest-africains acceptent ces accords pour éviter l’agitation sociale dans les grandes villes. C’est une solution à court terme.
Les saisonnalités obligent les laiteries avec moins de moyens à préparer leurs produits à base de lait en poudre importé car cela leur coûte beaucoup moins cher et comble leur incapacité à fournir la quantité demandée sur le marché pendant les périodes sèches.
Et enfin, une cause rarement abordée est l’attrait croissant des populations africaines, en particulier urbaines, pour les régimes alimentaires occidentaux, qui fait que même dans les régions où il n’y a pas ou très peu de production laitière (comme la frange sud de l’Afrique de l’Ouest), on voudrait atteindre les mêmes niveaux de consommation de lait qu’en Occident.
Une des initiatives mises en place pour répondre à la crise du lait en Afrique de l’Ouest est FaireFaso. Ce label, né en 2016 d’un partenariat entre FaireBel et l’UMPL/B (Union des mini laiteries et des producteurs de lait au Burkina Faso), vise à défendre la filière du lait local au Burkina Faso. Actuellement, quatre mini laiteries ont obtenu le label pour une bonne partie de leurs produits. Pour qu’un produit soit labellisé, il faut que plusieurs critères soient respectés, notamment en termes de qualité. C’est pourquoi FaireFaso apporte un financement pour certains types de matériels, comme des équipements de traitement du lait ou des camionnettes réfrigérées pour le stockage.
Un système de crédit en nature a également été instauré, dans le but de fournir aux producteurs de lait de la nourriture en quantité suffisante pour leur bétail. C’est un apport essentiel que réalise FaireFaso étant donné que les vaches burkinabè produisent pour le moment 2 à 3 litres de lait par jour alors qu’elles pourraient produire le double avec une meilleure alimentation.
Le label permet également aux consommateurs de faire facilement la distinction entre le lait local et le lait réengraissé provenant d’Europe, dont le packaging est souvent trompeur. La marque appuie également le plaidoyer mené par l’UMPL/B pour faire pression sur le changement des politiques fiscales. Elle dénonce le dumping des multinationales européennes et pousse les politiques à prendre des mesures fiscales pour défendre les intérêts locaux.
Quatre ans après le lancement de l’initiative, les résultats sont positifs. Ainsi, les laiteries labellisées ont augmenté leur production de 32% et généré une hausse des emplois de 40%. Plus d’un tiers de ces emplois créés l’ont été au profit des jeunes. Cependant, le prix reçu par les producteurs par litre de lait vendu a connu une relativement faible augmentation de seulement 10% qui n’a pas permis aux salariés des laiteries Faire Faso d’atteindre le niveau de revenus nécessaire. Concrètement, cela implique qu’ils ne sont pas capables de subvenir entièrement à leurs besoins primaires, c’est-à-dire de se nourrir, de se loger et de se soigner correctement.
Dans les pays en voie de développement comme le Burkina Faso, il est encore plus important que les travailleurs touchent un salaire décent, car le surplus d’argent est souvent investi dans l’éducation des enfants, ce qui crée à long terme un effet multiplicateur bénéfique pour le pays. Toutefois, il faut souligner que contrairement aux producteurs indépendants dont le revenu varie tout au long de l’année en fonction de leur production, qui peut être très faible en saison sèche, les employés des mini laiteries Faire Faso perçoivent un revenu stable et fixe.
Travail de recherche : Souveraineté Alimentaire : Développement de la filière du lait local au Burkina Faso. Maud Kornreich et Benjamin Dreze, ICHEC 2020. Travail effectué dans le cadre du « Globalisation & Development Lab » de l’ICHEC en coopération avec les ONG impliquées.
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