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15 mai 2025

pourquoi les mesures miroirs sont indispensables pour une agriculture plus juste

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L’agriculture européenne traverse une crise profonde. Face à une concurrence internationale de plus en plus déloyale et à des politiques agricoles qui mettent en difficulté les petites exploitations et menacent la santé des consommatrices et consommateurs, il devient urgent d’agir. Une étude que nous avons réalisée avec le CNCD-11.11.11 et Entraide & Fraternité met en lumière un outil encore trop peu utilisé mais prometteur pour rétablir l’équité dans les échanges commerciaux agricoles : les mesures miroirs.

Une agriculture européenne prise dans un cercle vicieux

Depuis plusieurs décennies, les politiques agricoles européennes misent sur la libéralisation des échanges, au nom de la compétitivité. Mais cela a surtout conduit à une baisse des prix, à une pression croissante sur les normes sociales et environnementales, et à des revenus agricoles en chute libre.

Résultat : les agriculteurs et agricultrices doivent affronter la concurrence de produits importés fabriqués dans des conditions qu’ils n’ont pas le droit d’imiter ici, en Europe.

Les récentes mobilisations agricoles l’ont clairement exprimé : il faut reprendre le contrôle sur ce que nous importons.

« Les mesures miroirs sont un outil à considérer pour protéger à la fois les revenus des agriculteur·ices et la santé des consommateur·ices européen·nes » résume Jonas Jaccard, chargé de plaidoyer chez Humundi et co-auteur du rapport. 

Que sont les mesures miroirs ?

Souvent confondues avec les clauses miroirs, les mesures miroirs sont des règles adoptées par l’UE elle-même, qui imposent aux produits importés de respecter les mêmes normes que celles imposées aux producteurs européens —  qu’il s’agisse d’environnement, de santé ou de conditions de travail.

Elles ne servent donc pas à « verdir » les accords de libre-échange, mais à conditionner l’accès au marché européen au respect de certaines normes (environnementales, sociales, sanitaires), dans une logique de réciprocité et de cohérence politique. 

Cela signifie par exemple :

  • Interdire l’importation de cultures OGM si leur usage est interdit en Europe.
  • Refuser un produit cultivé avec des pesticides interdits chez nous.
  • Imposer des normes de bien-être animal équivalentes.

Pourquoi les mesures miroirs sont-elles essentielles ? 

1. Pour mettre fin à une concurrence injuste 

Aujourd’hui, des filières comme le bœuf, le colza ou la pomme souffrent d’injustices flagrantes:

  • Le bœuf sud-américain est souvent élevé dans des conditions bien moins strictes que celles exigées en Europe ;
  • L’UE interdit 255 pesticides, contre seulement 31 au Canada ;
  • Les OGM sont interdits ici, mais on les retrouve dans les aliments pour animaux importés.

Ces disparités fragilisent l’agriculture européenne et sapent la confiance des consommateur·ices envers nos institutions. 

2. Pour soutenir une agriculture plus durable

En imposant les mêmes normes à tous, les mesures miroirs peuvent :

  • Éviter que les efforts des producteurs locaux soient pénalisés en alignant les standards de production entre l’UE et les pays importateurs ;
  • Encourager des pratiques plus responsables dans les pays exportateurs ;
  • Rendre cohérente la politique agricole de l’UE avec ses engagements écologiques et sociaux. 

3. Pour promouvoir un commerce plus équitable 

En encourageant des normes communes, l’Union européenne pourrait impulser une dynamique vers un  commerce international plus juste, où les droits humains et l’environnement sont mieux protégés.

les impacts sur les pays du Sud global 

L’étude souligne malgré tout que mal conçues, ces mesures peuvent aggraver les inégalités en excluant du marché européen les petit·es producteur·ices du Sud global qui n’ont pas les moyens de s’adapter à ces nouvelles règles.

L’étude insiste sur la nécessité :  

  • De réaliser des études d’impact ;
  • De prévoir une concertation avec les producteur·ices du Sud global et un accompagnement technique ainsi que financier ;
  • D’intégrer les coûts de l’adaptation dans le prix payé par les entreprises importatrices, et non par les producteur·ices du Sud global. 

« Le poids de notre transition ne peut en aucun cas reposer sur les agriculteur·ices de petite surface des pays partenaires », rappelle Jonas Jaccard.
« Nous devons les accompagner si nous voulons qu’ils puissent eux aussi répondre à ces exigences. »

Recommandations pour une Europe cohérente et ambitieuse 

L’étude propose plusieurs recommandations concrètes : 

  • Adopter un cadre légal européen pour généraliser les mesures miroirs ; 
  • Renforcer les contrôles aux frontières (douaniers, sanitaires) ;
  • Mettre fin aux tolérances pour les substances interdites sur le territoire européen ;
  • Interdire l’exportation par l’UE  de produits interdits d’usage sur son territoire ;
  • Refuser les  accords commerciaux ne respectant les normes sociales, environnementales et les droits humains que l’UE promeut. 

Les mesures miroirs ne sont pas une solution magique, mais elles constituent un levier stratégique puissant pour rendre notre système alimentaire plus juste, plus sain et plus respectueux de la planète.
Si l’Union européenne veut être cohérente avec ses propres valeurs, il est temps qu’elle intègre pleinement les mesures miroirs dans sa politique commerciale.

Télécharger le résumé de l’étude

Télécharger l’étude complète