14 février 2025
Accord Arizona : des mesures insatisfaisantes pour une agriculture juste et durable
Lire la suite20 décembre 2021
Après une courte halte à Saint-Louis, l’ancienne capitale du pays aux traces coloniales encore présentes, nous nous arrêtons à Louga. Il fait toujours aussi chaud dans cette ville un peu déserte en dépit d’imposantes maisons en dur qui bordent une grande avenue arborée. Ici, comme ailleurs, le changement climatique a modifié le paysage, les pratiques agricoles mais aussi la qualité des sols. Nous venons ainsi rencontrer la FAPAL (1), un de nos partenaire qui a mis en place un « plan fertilité » pour inverser la tendance.
Le constat est, ici, le même qu’à Podor : année après année, il y a moins d’arbres, les pluies sont de plus en plus irrégulières et la chaleur malmène les microorganismes qui peuplent le sol et le rendent fertile. « Les plantes sont plus espacées, la terre est un peu blanchâtre », nous décrit Pape Demba Kébé, agriculteur à Darou Kébé, alors que la poignée de terre qu’il attrape dans sa main s’en échappe, sèche comme du sable.
Conséquence ? « Avant, on pouvait cultiver et produire pour se nourrir pendant un an mais maintenant on ne produit plus que les 2/3, ce qui ne nous fait plus tenir que quelques mois seulement » poursuit-il. Alors, beaucoup ont quitté le village pour s’exiler dans d’autres villes, les métropoles. Particulièrement des jeunes.
En 2019, la FAPAL décide de s’emparer du problème : avec l’appui d’un étudiant agronome belge, elle réalise alors un diagnostic et une étude sur la question de la fertilité des sols au niveau de la région de Louga. Quelques mois plus tard, un autre étudiant vient poursuivre le travail pour aboutir à l’élaboration d’un « plan fertilité » dans plusieurs villages autour de Louga.
Dans chacun de ces villages, ce sont ainsi 20 exploitations familiales qui se sont portées volontaires pour suivre ce plan. Et parmi ces 20, 4 ont été désignées comme « exploitation familiale pilote » : c’est sur leur parcelle que seront expérimentées les pratiques estimées les plus efficaces pour lutter contre l’érosion éolienne et hydrique. Pape Demba Kébé est le chef de l’une de ces exploitations-pilotes.
Mbaye Seye l’est aussi, tout en étant chef du groupement de Darou Kébé. Sur sa parcelle, il a déjà mis en place plusieurs pratiques enseignées par la FAPAL : « Avant, on enlevait tout ce qui restait sur le champ après la récolte et on donnait ça aux animaux. Mais on a appris l’utilité de laisser les résidus de culture sur la parcelle pour faciliter la fertilisation des champs », nous explique-t-il. Grâce à des formations, lui et plusieurs agriculteurs ont également appris à mieux fabriquer et utiliser le fumier comme engrais organique ou encore à adosser les jeunes pousses naturelles à des tuteurs pour les aider à grandir. La clôture des parcelles avec des haies de salane, un arbre local assez répandu, permettrait, elle aussi, de résister à l’érosion
Les objectifs sont fixés à moyen terme : pour Pape Demba Kébé, « d’ici 5 ans, je pense qu’on pourra atteindre notre objectif qui est non seulement de rattraper ce qu’on a perdu en termes de production, afin de pouvoir en vivre mais aussi d’en commercialiser une partie pour augmenter nos revenus. » Et certains résultats sont déjà là : « Là où j’ai mis de la fumure organique, le sol est différent de là où je n’en ai pas mis, les plants sont plus forts, plus grands » nous explique Mbaye Seye.
Les résultats sont aussi au niveau social puisque les exploitations-pilotes créent des liens avec les autres agriculteurs, de plus en plus nombreux à venir examiner et s’inspirer des pratiques mises en place. Au-delà du plan, d’autres pratiques sont également enseignées et mises en place comme le reboisement, l’association ou la diversification des cultures. Libre ensuite à chacun d’appliquer les techniques qui lui semblent les plus simples et/ou les plus efficaces sur sa parcelle.
A partir de là se crée aussi une nouvelle solidarité pour avancer ensemble car ce qui est bon pour les exploitations-pilotes est bon aussi pour le village en entier. Solidarité au sein de la famille puisque le plan prévoit que tous ses membres – les jeunes et les femmes aussi – soient impliqués dans les décisions et les activités. A l’échelle du village car certaines activités communautaires se développent comme la plantation des salanes. A travers la région alors que Mbaye Seye discute régulièrement avec les chefs d’autres groupements et d’autres villages pour diffuser ces pratiques. De pair à pair, de local à local, c’est encore comme ça que la transmission marche le mieux.
(1) FAPAL : Fédération des Associations paysannes de la région de Louga
Vous voulez en savoir plus sur l’érosion des sols et le plan fertilité autour de Louga, lisez « Sénégal, l’agroécologie par et pour les paysans ».