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12 décembre 2022

Echos du terrain sur les dangers des pesticides

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Le Larousse qualifie de pesticide un « produit chimique destiné à lutter contre les parasites animaux et végétaux nuisibles aux cultures et aux produits récoltés ». Mais les pesticides sont-ils, eux aussi, des « nuisibles » pour l’homme et l’environnement ? Comme éléments de réponse, on fait écho à la voix d’une agricultrice, d’une association de consommateurs et d’un toxicologue.

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Maman Nkembi 600x434 1 - : Echos du terrain sur les dangers des pesticides

MAMAN N’KEMBI BONDO ANGEL

Animatrice à N’djili près de Kinshasa (RDC).

Elle sensibilise les paysannes à l’utilisation des biopesticides.

« NON AUX PESTICIDES DE SYNTHÈSE ! »

Avant, nous utilisions des pesticides chimiques. On ne connaissait même pas les doses à utiliser, on en abusait. Il était recommandé de récolter les cultures après deux semaines ou un mois d’application de pesticides, mais souvent, avant cette période, les plantes  commencent à pourrir et pour éviter cela, nous les récoltions et les vendions.

Nous constations souvent qu’après avoir consommé nos cultures traitées avec les produits chimiques, nous souffrions de maux d’estomac et de maux de tête. De plus, ces produits chimiques s’infiltrent dans le sol et pénètrent dans les eaux souterraines et les sources, ils polluent les eaux que nous utilisons pour boire et nous laver. C’est un danger pour le consommateur et l’agriculteur.

Depuis que nous utilisons des biopesticides, nous avons constaté que cela fonctionnait mieux. Et en plus, en les utilisant, ces produits protégeront le sol, les animaux et les consommateurs.

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Patrice Mbuyi Musoko 1 600x491 1 - : Echos du terrain sur les dangers des pesticides

PATRICE MBUYI MUSOKO

Président de l’Association des consommateurs de produits vivriers (AS.CO.VI) en RDC.

Il évoque un manque d’éducation et de protection des consommateurs au sujet des pesticides.

ENTRE ÉTIQUETTES DOUTEUSES ET RÉGULATION DÉFAILLANTE

L’étiquetage devrait être un élément de confiance pour le consommateur. Mais en RDC, il ne répond pas toujours aux normes et ne donne pas d’informations fiables à l’utilisateur. Les produits mis sur le marché ne sont pas contrôlés et, souvent, les coordonnées du fabricant sont faussées. En principe, c’est l’OCC (Office Congolais du Contrôle) qui est chargé du contrôle de l’import-export des produits, mais comme nos frontières sont poreuses, il y a des entrées que l’Etat ne parvient pas à contrôler.

PROTÉGER LES CONSOMMATEURS

Les utilisateurs des pesticides sont des paysans qui n’ont pas fait de grandes études. Ils ne peuvent comprendre les pictogrammes sur les étiquetages que s’ils sont formés : il faut que les associations des consommateurs se donnent la peine d’éduquer ces personnes.

Beaucoup de paysans préfèrent ne pas respecter le calendrier agricole pour voir vite des résultats, mais du côté du consommateur ça peut constituer un danger : il doit être plus sensibilisé. Les consommateurs ont le droit de se plaindre ! Mais comme ils ne font plus confiance aux tribunaux, en RDC, ils se plaignent de bouche à oreille. La main dans la main, travaillons pour une loi sur la protection des consommateurs !

En RDC, les gens vivent avec moins de 2 dollars par jour : la consommation d’un produit plus élaboré (mais plus cher) serait difficile. Ce qu’il faut encourager, c’est la  consommation de produits bio, sans pesticides, obtenus avec des produits et des méthodes appropriés.

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Alfred Bernard 600x393 1 - : Echos du terrain sur les dangers des pesticides

ALFRED BERNARD

Professeur de toxicologie à l’Université Catholique de Louvain.

Il évoque la toxicité des pesticides pour les producteurs et les consommateurs.

PESTICIDES : LE NOEUD DU PROBLÈME

En cas d’exposition chronique importante aux pesticides, il y a des risques accrus de cancer, de maladies neurologiques et de baisse de qualité du sperme. Le groupe le plus à risque est constitué des agriculteurs et autres professionnels surtout lorsque ceux-ci manipulent les produits phytosanitaires sans moyens de protection tels que des gants et  les masques.

Les femmes enceintes sont également à risque en cas d’exposition régulière de type professionnel, para-professionnel (en tant qu’épouse d’agriculteur) voire domestique.  Chez leurs enfants, les études montrent des risques accrus de lymphome, leucémie et de troubles cognitifs.

L’EFFET COCKTAIL, C’EST QUOI ?

L’effet « cocktail » fait référence aux effets additifs, ou pire, aux effets synergiques des différents pesticides lorsque ceux-ci agissent sur le(s) même(s) organe(s). Les études épidémiologiques évaluant les risques des pesticides ou les effets protecteurs des fruits ou légumes conventionnels intègrent habituellement cet effet cocktail puisque les utilisateurs de pesticides comme les consommateurs de fruits et légumes sont habituellement exposés à des mélanges de pesticides.

RESPECTER LES CONSIGNES

Lorsque les cultures sont gravement menacées par des ravageurs et n’assurent pas des rendements suffisants, l’utilisation de pesticides peut se révéler vitale mais seul le respect des bonnes pratiques agricoles permet de réduire les résidus de pesticides et leur impact sur l’environnement.

Rédactrices : Dieyenaba Faye et Yasmina Boutjadir

Cet article est tiré du Supporterres de décembre 2022 « Interdits ici. Exportés là-bas. Mortels partout »